Un homme, dans la trentaine, vient d'apprendre qu'il est condamné à mort. L'exécution aura lieu dans 6 semaines, sur la place publique, comme il était de coutume au 19° siècle. Quel crime a commis cet homme ? On ne le saura jamais. Durant les semaines, puis les heures, qui le séparent de la guillotine, il va tenir un journal pour exorciser l'angoisse.

Dans la préface, Victor Hugo nous laisse entendre qu'il n'est point l'auteur de ce journal, mais juste l'intermédiaire qui aura permis au grand public d'en prendre connaissance. Et même si l'on sait bien qu'il ne s'agit là que d'un procédé argumentatif, très vite, on oublie l'auteur pour suivre avec effroi les dernières heures d'un homme.
Ce qui importe ici, ce n'est pas tant l'intrigue, puisqu'elle se résume en quelques mots, mais la façon magistral dont Victor Hugo nous la narre.
Pas une ligne qui soit superflue. Chaque mot, chaque ponctuation, chaque souvenir participent de cette entreprise irrévocablement humaine. Le lecteur ne peut qu'adhérer au propos de l'auteur, tant l'identification est insoutenable.
Comment rester insensible quand le condamné rencontre sa fille, que celle-ci ne le reconnaît pas et qu'elle lui lit à voix haute sa propre condamnation à mort ? Comment ne pas éprouver de l'horreur face au spectacle des galériens ? Comment ne pas éprouver l'angoisse la plus grande en découvrant les noms des anciens condamnés inscrits sur les murs du cachot ?
Victor Hugo alterne les scènes d'apparente légèreté qui constituaient la vie du prisonnier avant le jugement, et les crises de terreur précédant l'instant fatal.

Une lecture bouleversante et salutaire.
En France, cette horreur a disparu depuis plus de 20 ans. Ailleurs, dans des pays dit civilisés, on continue d'assassiner des assassins.
Victor Hugo, le 15 septembre 1848, s'adressait à l'assemblée constituante en ces termes :
Eh bien, songez-y, qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne.

Laurence

Extrait :

Ils disent que ce n'est rien, qu'on ne souffre pas, que c'est une fin douce, que la mort de cette façon est bien simplifiée.
Eh! qu'est-ce donc que cette agonie de six semaines et ce râle de tout un jour? Qu'est-ce que les angoisses de cette journée irréparable, qui s'écoule si lentement et si vite? Qu'est-ce que cette échelle de tortures qui aboutit à l'échafaud?
Apparemment ce n'est pas là souffrir.
Ne sont-ce pas les mêmes convulsions, que le sang s'épuise goutte à goutte, ou que l'intelligence s'éteigne pensée à pensée?
Et puis, on ne souffre pas, en sont-ils sûrs? Qui le leur a dit? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu'elle ait crié au peuple : Cela ne fait pas de mal !
Y a-t-il des morts de leur façon qui soient venus les remercier et leur dire : C'est bien inventé. Tenez-vous-en là. La mécanique est bonne.
Est-ce Robespierre ? Est-ce Louis XVI ?...
Non, rien ! moins qu'une minute, moins qu'une seconde, et la chose est faite. -- Se sont-ils jamais mis, seulement en pensée, à la place de celui qui est là, au moment où le lourd tranchant qui tombe mord la chair, rompt les nerfs, brise les vertèbres... Mais quoi ! une demi-seconde ! la douleur est escamotée...
Horreur !

couverture
Éditions Pocket - 102 pages