Passages a été publié au Québec au début des années 1990 et c’était le troisième roman d’Émile Ollivier, Québécois d’origine haïtienne. Le roman raconte deux histoires en parallèle sur deux modes narratifs différents. D’une part l’histoire d’Amédée Hosange de Port-à-l’Écu en Haïti, narrée par la voix de sa femme. Avec des compatriotes Amédée décide un jour de quitter Haïti dans un bateau qu’ils construiront eux-mêmes. D’autre part l’histoire de Normand Malavy, Québécois d’origine haïtienne, qui nous est rendue par une narration croisée et complexe : la voix d’un ami qui rend compte du tête-à-tête de la maîtresse et de la femme de Normand. On apprend comment Normand vivant au Québec depuis plusieurs années décident un jour de partir seul pour Miami où il se liera avec Amparo.
Passages est intéressant puisqu’il juxtapose deux proses très différentes, un chapitre après l’autre. Le récit qui débute en terre d’Haïti est teinté d’une poésie toute créole, d’expressions typiques et d’éléments anthropologiques très intéressants. Le récit québécois entremêle les vagabondages et les souvenirs de ceux qui ont connu Normand, leurs propres réflexions sur l’exil et sur le couple.
Personnellement, l’histoire du livre m’a laissée sur ma faim. D’abord la narration des destins croisés n’a plus grand-chose d’étonnant me semble-t-il tant les livres qui y recourent pullulent. De plus, il ne m’a pas semblé particulièrement parlant de faire se croiser ces deux destins particuliers. Par contre, le point fort du livre est sa langue riche, son vocabulaire colorée et imagée. Ce livre permet aussi de porter un regard intéressant et intense sur la culture haïtienne et probablement aussi un regard intéressant sur Montréal pour ceux qui trouveraient cela exotique… ;o)
Je m’intéresse beaucoup aux auteurs ayant des racines créoles, j’espère avoir la chance de vous en faire découvrir d’autres, mais je dirais que dans ce livre Émile Ollivier se situe quelque part entre Dany Laferrière (une écriture du quotidien qui rend compte de l’exil dans la rencontre et le dialogue entre les êtres) et Lyonel Trouillot (une prose profondément poétique). J’ai aimé le style sans m’en sentir transporté même si définitivement la section racontant le destin d’Amédée Hosange m’a beaucoup plus parlé.
Il est très difficile de choisir un extrait pour illustrer ce livre tant les styles varient d’un chapitre à l’autre. J’ai choisi un extrait plus contemplatif qui me semble rendre davantage justice à la plume d’Émile Ollivier.
Par Catherine
Extrait :
«Qui disait que le voyage est illusoire ? On a beau se déplacer d’un endroit à l’autre, se livrer à une agitation sans relâche, en réalité, on ne fait que marquer le pas, tant les lieux restent inchangés. Dans leur soif de départ, les voyageurs ignorent souvent qu’ils ne feront qu’emprunter de vieilles traces. Mus par une pulsion, quand ils ont mal ici, ils veulent aller ailleurs. Ils oublient que le mieux être est inaccessible puisqu’ils portent en eux leur étrangeté. Leur trajet, à la limite, ne dessinera qu’une boucle, tant les événements sont jetés là, orphelins, les attendant, pareils à des quais de gare. Ils erreront sans fin, animés du même désir fou que celui qui hante le destin implacable des saumons : ils tâtent des fleuves, des océans, pour retrouver à la fin l’eau, même impure, où ils sont nés et y pondre une seule et brusque poussée, une réplique d’eux-mêmes et mourir.»
Éditions du Serpent à plumes - 250 pages
Commentaires
vendredi 18 janvier 2008 à 05h28
Je ferais bien le commentaire de ce livre, mais je l'ai lu à sa parution. Je me souviens que j'avais aimé ce roman, la meilleure oeuvre de l'auteur. Comme il s'agit d'un écrivain d'origine haïtienne, je vous en suggère un autre. Georges Anglade. Les deux étaient des professeurs. Anglade fut de plus ministre dans son pays.