Charles Bolduc signe ici sa première parution.
Contrairement à ce que pourrait présager le premier récit, le narrateur de ces histoires n'est pas un collectionneur mais un amoureux fou. Un amoureux de l'amour, un amoureux de la vie.
Il espère sa "princesse charmante", celle qui lui ferait oublier toutes les autres. En attendant, il conjugue son existence au conditionnel, comme un monde à inventer et définir. Dans beaucoup de passages, le jeune homme rêve et se construit des châteaux en Espagne. Mais, il est toujours rattrapé par la réalité. La narration adopte alors des structures répétitives pour mieux imager l'enfermement et la médiocrité du présent. Les sensations aiguisées, il semble naviguer en permanence entre possibles et regrets.
Au milieu de cette quête éperdue, certaines nouvelles forment des parenthèses, des bulles dans lesquelles, la vision accrue et démultipliée de l'écrivain est à l'affût des détails invisibles aux yeux des simples mortels. Les portes et autres parapluies prennent alors une dimension insoupçonnée.

Entre poésie et narration, Charles Bolduc nous invite à un étrange voyage sur la construction de soi. On perçoit à chaque page son amour pour les mots et leur musique, car tout cela est extrêmement bien écrit.
Alors, évidemment, quand je vous dirai que ce recueil n'est et ne sera pas disponible en France, vous allez me haïr. Mais il paraît que dans notre beau pays, le genre de la nouvelle n'a pas bonne presse. "Pas de lecteurs". C'est en tout cas ce que j'entends très souvent... Mais est-ce bien vrai?

Extrait :

Pas de long extrait pour ne pas dénaturer les intrigues, mais une 3 citations qui m'ont particulièrement plu et qui reflètent bien l'écriture de Charles Bolduc.

[...]J'aurais voulu qu'on me dise à quel âge l'angoisse commence à tuer. Il me semblait que les ongles ne suffisaient plus face à l'ampleur des incertitudes, la surface à ronger diminuait et je me sentais de plus en plus fragile, démuni, à l'aube de disjonter. Je commençais à douter de ma réalité et ne savait plus pendant combien de temps je serais encore moi-même, je craignais de tourner une rue et de ne plus me souvenir de mon nom.[...]

[...] Nos éclats de rire se penchaient par la fenêtre et harponnaient en s'échappant le regard des passants. C'était le début de l'était, tu avais les cuisses d'un jardin d'Eden, du napalm aux creux de tes reins et tu criais comme si j'avais le diable au corps. Les pigeons jouaient aux voyeurs en roucoulant discrètement de l'autre côté de la vitre, la réalité semblait suspecte à force de légèreté.[...]

[...] Je mentais pour élargir la conscience du réel, comme un moyen de construire des perspectives. Le mensonge me servait à sonder la beauté des souterrains, à explorer les facettes cachées du prisme de la vérité.[...]

couverture
Éditions Léméac - 118 pages