Tout a commencé en 1940.
Marthe était alors une belle jeune fille promise à un mariage heureux. Pourtant, quelques heures avant la cérémonie, les bombardements allemands vont détruire la ville et son avenir. Son fiancé mort sous le feu des bombes, elle renoncera définitivement au mariage, mais non à la maternité. C'est ainsi que quelques mois plus tard, elle donnera naissance à Jacques, "Le fils de l'Allemand". Cela, tout le monde le sait et semble le lui avoir pardonné. Elle est même celle que l'on plaint et admire, au contraire de sa vieille rivale Suzie.
Alors pourquoi, cinquante ans plus tard, Marthe est-elle tant bouleversée par ces inondations? Quel secret se terre dans la mémoire de cette femme? Et qui a intérêt a réveiller tous ces vieux fantômes?

Christian Morel de Sarcus sonde les méandres d'une mémoire fatiguée. Jonglant en permanence entre présent et passé, il nous dévoile peu à peu le destin de cette femme intransigeante.
Qui était-elle vraiment : Une amoureuse, comme elle se définit elle même? Une sainte, comme semblent le croire les habitants d'Abbeville? Ou une fanatique écervelée?
Et pourquoi son fils paraît tant la haïr aujourd'hui?

D'abord rebutée par une couverture disgracieuse et un mise en page pas toujours rigoureuse, je me suis ensuite prise au jeu de cette histoire qui remue la boue et les souvenirs. Petit à petit, Christian Morel de Sarcus brosse le portrait d'une femme complexe, qui s'est laissée enfermer dans ses aspirations d'utopie.
Un portrait, tout en finesse, loin d'un manichéisme trop facile.

Extrait :

Marthe gardait son imperceptible sourire.
La femme demeurait jolie malgré les ans, coiffée à la dernière mode de sa dernière période de jeunesse. Le mauve lui allait bien. Ni bourgeoise, ni populaire, ni le milieu : Marthe, telle qu'en elle-même.
Depuis combien de temps la connaissait-il? Trente ans? Chez les vieillards, il faut doubler le chiffre. Depuis 1937 très exactement, à son arrivée D'auxi-le-château, où la terre, déjà, rejetait les journaliers vers les usines. Marthes et ses deix-sept ans lui plurent beaucoup. À un autre hélas, aussi. Le petit Jacques était né. Par la rumeur, Alfred avait tout su, pauvre fieu.
Mais depuis cette époque, qui connaissait-il de plus sage et de plus honnête que cette femme-là? Avec des yeux plus doux et une porte d'amie qui s'ouvrait dès qu'on frappait? Ces yeux coururent vers la pendule et revinrent à ceux du père Lemaître.
Il se leva : "Y's fait tard, merci pour le café."

couverture
Éditions Henry -188 pages