Yasmina Khadra est un auteur algérien bien connu, si ce n’est que par le fait d’avoir adopté les prénoms de sa femme pour éviter ce qu’il qualifie lui-même d’autocensure. Les hirondelles de Kaboul (à ne pas confondre avec Les cerfs-volants de Kaboul de Khaled Hosseini) est un de ses nombreux romans. Publié en 2002, ce livre s’inscrit évidemment dans une actualité brûlante puisque le régime des Talibans, décrié déjà depuis plusieurs années, est soudain projeté au cœur d’une guerre contre le terrorisme qui implique presque tous les pays d’Occident.

Ce roman basé sur des destins croisés (encore !) rend compte de la vie quotidienne des Afghans de Kaboul sous le régime taliban. Deux hommes sont au cœur de l’intrigue : Atiq, geôlier d’une prison pour femmes et dont l’épouse est gravement malade et Mohsen Ramat, jeune homme marié à Zunaira, une ancienne avocate féministe. Les destins des deux hommes se croiseront régulièrement dans Kaboul jusqu’à se heurter de façon définitive, dans une explosion qui ne peut qu’être dramatique.

La plume de Yasmina Khadra est habile et poétique même si personnellement elle ne m’a pas renversée. On m’a dit qu’il ne s’agissait pas de son meilleur ouvrage et je me promets d’aller en lire d’autres pour pouvoir comparer. Il me semble en effet que le succès de ce livre s’appuie beaucoup sur un moment d’actualité et sur la volonté de tous d’en apprendre plus sur un régime obscurantiste. Peut-être que connaissant bien les différents dédales du régime taliban que j’ai étudié durant mon cours universitaire, j’ai été moins abasourdie par ce que décrit Khadra. Ceci étant dit, le sentiment de suffocation est palpable, c’est sans doute la grande réussite du livre. De quoi alimenter la claustrophobie de quiconque. On sent bien, à travers le destin des personnages, que l’enfermement mental rend tout le monde un peu (beaucoup…) fou.

Rajoutons que je trouve très intéressant qu’un roman s’intéressant à la condition déplorable des femmes sous le régime taliban ne s’attarde pas à des relations de couple où le mari abuserait machinalement du pouvoir qu’on lui donne sur sa femme. Il s’agit ici vraiment du portait de quatre êtres perdus dans cette jungle, chacun cherchant ses repères de façon différente.

Petit détail inexplicable : au beau milieu du livre un personnage change de nom !?! Suis-je la seule à m’en être aperçu. Le personnage de Nazish rentre en scène à la page 64. Et soudain en page 134 on invoque un certain Zanish qui est manifestement le même personnage. Et qui demeurera Zanish jusqu’à la fin du livre. Subtilité qui m’échappe ? Erreur inexplicable ? Si quelqu’un a la clé…

Par Catherine


Je n’ai pas grand chose à rajouter à la belle présentation de Catherine, si ce n’est que comme elle j’ai apprécié la plume de l’auteur sans être totalement subjuguée par ce roman.
« Les hirondelles de Kaboul » ne seront pas, pour moi, le meilleur roman de Khadra. Je suis encore sous le choc de « L’attentat ».
Cependant, l’auteur a tout de même un sacré talent pour décrire l’horreur de cette société, de ce pays où la terreur et la sauvagerie aveugle règne sur tout et mène toute la population à la folie.
Peut-on dire que l’on vit quand l’obscurantisme et le fanatisme dirige tout ?
Cette histoire est à lire tout de même pour toutes les questions qu’elle suscite.

Dédale

Extrait :

Le 4 X 4 de Qassim Abdul Jabbar rugit en freinant devant la maison d’arrêt, suivi de près par un petit bus, chargé de femmes et d’enfants, qui préfère se ranger de l’autre côté de la rue, comme pour se préserver des sortilèges gravitant autour de la bâtisse maléfique. Atiq Shaukat se glisse dans le couloir et s’adosse contre le mur, les mains tremblantes écrasées sous le fessier, les yeux par terre afin de ne pas trahir l’intensité de ses émotions. Il a peur, et froid. Ses tripes s’entrelacent à rompre dans des crissements incessants tandis que des crampes lancinantes, parfois voraces, lui martyrisent les jambes. Les battements de son sang résonnent sourdement dans ses tempes rappelant des coups de massue à travers des galeries souterraines. Il crispe les mâchoires et retient son souffle de plus en plus chaotique pour ne pas céder à la panique.

couverture
Éditions Pocket - 147 pages