La solitude lumineuse ne fait pas cent pages, se lit parfaitement en vacances, à l’ombre ou au soleil… ou dans un autobus bondé en plein hiver québécois pour se sortir un peu de sa réalité. Il s’agit en fait d’un texte qui est tiré des mémoires de Neruda J’avoue que j’ai vécu. Dans ces quelques pages on suit Neruda en Inde, à Ceylan, à Singapour et à Batavia. Il raconte sa solitude et la vie politique, pose un regard sur les peuples colonisateurs et les peuples colonisés. Le récit est parsemé d’anecdotes souvent rigolotes, parfois émouvantes, et régulièrement d’une étonnante contemporanéité. Outre les amis que Neruda croise dans ses déplacements, nous faisons aussi la connaissance de Kiria, sa mangouste, inséparable compagne.

En abordant ce livre je croyais qu’il s’agissait d’un journal et j’ai été un peu déçue de constater qu’il s’agit en fait de mémoires. J’ai tendance à préférer la narration au présent et l’écriture spontanée caractéristique du diariste aux souvenirs rapportés. Par contre, ce recul de Neruda par rapport à sa vie asiatique lui permet de remettre en contexte son expérience d’alors avec la destinée politique du siècle et avec sa démarche poétique. Plusieurs épisodes en sont rehaussés, dont la conclusion qui est très troublante. Certains extraits, en italique, sont tout de même tirés directement du journal de l’auteur.

J’ai bien apprécié cette lecture même si je suis un peu restée sur ma faim. Il y a là la richesse lexicale du poète, mais aussi un esprit et un humour tout à fait séduisants. Je crois qu’il me restera à plonger dans la version complète des mémoires de ce singulier personnage pour me sentir rassasiée.

Par Catherine

Extrait :

Plongé dans ces souvenirs je dois soudain revenir à la réalité. C’est le bruit de la mer. J’écris ces lignes à l’Île-Noire, sur la côte, près de Valparaiso. Les grandes bourrasques qui ont fouetté le littoral viennent de se calmer. L’océan – ce n’est pas moi qui l’observe de ma fenêtre, c’est plutôt lui qui me regarde de ses mille yeux d’écume – conserve encore dans sa houle la terrible ténacité de la tempête.

Quelles années lointaines ! Les reconstituer, c’est un peu comme si le son des vagues que maintenant j’écoute entrait en moi par intervalles, tantôt en me berçant pour m’endormir, tantôt avec l’éclair brutal d’une épée. Je vais recueillir ces images pêle-mêle, comme ces vagues qui vont et viennent.

couverture
Éditions Folio 2 € - 82 pages