Alphonsine est née le 01er Août 1900, jour anniversaire de sa propre mère. Mais ce qui aurait dû devenir une double célébration va se transformer en véritable cauchemar.
L'accouchement ne s'est pas déroulé sous les meilleurs auspices puisque Clémence, la mère d'Alphonsine, doit également faire le deuil de sa fécondité. Furieuse contre cette enfant qu'elle accuse de tous les maux, elle décide de lui cacher la date de sa venue au monde.
Mais comment grandir quand sa propre naissance est un véritable mystère?

C'est ce que nous propose de comprendre Joël Schmidt. En suivant la destinée d'Alphonsine sur plus de 80 ans, on va la voir passer du statut de victime à celui de bourreau. Car elle aussi accouchera un 1er Août et reproduira à sa façon le triste schéma familial sur son propre fils Alphonse.

Clémence, Alphonsine et Alphonse. Trois images de la folie destructrice, trois victimes des secrets familiaux. Tous se retrouvent enchaînés malgré eux à cette date fatidique du 1er Août.
Joël Schmidt plonge dans les arcanes du subconscient et déroule un récit cauchemardesque sur l'emprise maternelle. Il ne nous épargne rien et va jusqu'au bout du délire tyrannique. À tel point que l'on a parfois du mal à donner foi aux comportement démentiels de ses protagonistes. On a le sentiment que tout cela est invraisemblable, tant l'auteur pousse à son paroxysme l'horreur des situations. À chaque rebondissement, le lecteur est amené un peu plus près de l'insoutenable. Qui pourrait faire vivre cela à sa propre chair? Malheureusement, certains faits divers sordides tendent à lui donner raison. Freud aurait sûrement été intéressé par ces trois figures de la folie familiale.

On retrouve également dans ce récit, l'écrivain historien qu'est Joël Schmidt, puisqu'en arrière-plan de cette saga, il évoque les grands bouleversements qui ont traversé le 20ème siècle. Des deux guerres mondiales à l'élection de Mitterrand, en passant par Mai 68, c'est tout un pan de notre Histoire vue à travers les yeux de ces êtres torturés.

J'étais, et je reste, très intriguée par ce roman. Il m'a été impossible d'éprouver de l'empathie pour ces protagonistes, à la fois victimes et tyrans. Je ne sais si c'est dû à la psychologie même de ces individus, ou à l'écriture un peu surannée de Joël Schmidt. Mais je sais aussi que je n'ai pas pu lâcher le livre avant d'être allée jusqu'au bout de cette histoire dérangeante et malsaine.

Vous pouvez aussi lire l'interview exclusive de Joël Schmidt.

Du même auteur : La vengeance du piano et Heureux qui la verra dans cette autre lumière

Extrait :

Alphonsine parvenait cependant à se saisir de bribes de vérité, lorsque sa mère recevait, tous les mercredis. Elle écoutait aux portes. Elle remarquait qu'au cours des conversations, chacune avouait sans détour sa date anniversaire, son âge, et Clémence ne cachait pas les siens. Il lui prit un jour comme une pulsion, elle ouvrit brusquement la porte, s'introduisit dans le salon où devisaient une dizaine de femmes, et posa abruptement la question : " Et moi, mère, quand suis-je née?" Elle espérait que, dans la surprise, sa mère se troublerait, et romprait par mégarde le secret, n'oserait se taire devant ses amies. Mais celles-ci faisaient partie de la conspiration, elles restèrent muettes tandis que Clémence chassait sa fille, après avoir fait mine de lever la main sur elle : "Jamais, tu m'entends, jamais tu ne le sauras, et ne t'avise plus de moe poser cette question!"

couverture
Éditions Albin Michel - 348 pages