Chaque chapitre est une petite récréation, un vrai délice...
J’ai prolongé la plaisir en ne lisant qu’un chapitre à la fois, en prenant le temps, c’était difficile mais j’ai souhaité garder presque intact, chaque saveur, chaque ambiance, chaque chapitre.
Ne pas être trop gourmande.
C’est pourtant une vraie gourmandise que ce texte. Poétique, absurde, musical et mélancolique tout à la fois, qu’il faudrait presque le déguster une tasse de thé, pardon une tisane à la sauge ou à la réglisse à la main, en tout cas lentement, doucement.

Ce libraire incroyable et irréel, (existe–t-il quelque part ?!), entièrement disponible et dévoué à sa librairie ouverte 24 h/24 et 7 jours/7, « …résumé en peignant simplement et définitivement sur la porte de la librairie le mot ‘Ouvert’. », à ses clients mais aussi et surtout aux livres, ses livres (car seuls les livres qu’il juge formidables ont droit de cité dans la/sa librairie). « Lui, refusait la merde ».
C’est loufoque, sa façon d’attendre et d’espérer le « client », du domaine du fantastique aussi, ces livres qui tremblent lorsque la question se glisse ou lorsque ce personnage (je n’en dis pas trop) entre dans cet endroit pour écouter le libraire lire de la poésie. Ces rencontres improbables avec les clients, le client qui n’est pas satisfait, le premier client, le client de la troisième heure de l’après-midi - que le libraire déteste sans savoir pourquoi d’ailleurs -, qui ne vient jamais parce que justement c’est la troisième heure de l’après-midi, le dernier client – à qui il offre toujours une tisane -, les enfants, la femme enceinte, Dieu, le couple, le voyageur, les témoins de Jéhovah, le client grossier… ah oui et celui qu’il surnomme Jacques le Fataliste…
Et en lisant ces mots, j’ai alors repensé aux plaisirs que j’ai eus, il y a très longtemps à lire Jacques et son maître de Milan Kundera, celui de Diderot aussi, c’est étrange n’est-ce pas ?

Mais ce qui m’a plu, le plus, c’est la musique. La musique des mots mais surtout ça :
Poudoupoudoupoudou
Les poudoupoudoupoudous, (je mets volontairement un « s » et non un « x »), de la porte poussée par le/un client entrant dans cette librairie. En effet, au fur et à mesure de ma lecture, je ne lisais pas poudoupoudoupoudou mais Paah-dum paah-dum doo bee dum, pooooo! Pooh pooh bee dooh !, et je fredonnais la chanson de Marilyn Monroe « I wanna be loved by you ».
C’était autant absurde qu’illogique. Je ne lisais pas ce qui était écrit, (en tout cas à ce moment), non, pas ce bruit-là, une vulgaire cloche de porte mais une musique. Cette drôle de musique !
Et je me suis laissée entraîner dans cette histoire, dans ces courtes historiettes, cette fable, ce conte philosophique, avec ses répétitions, ses phrases courtes, sa simplicité et sa déconcertante poésie, sa tendresse, sa fraîcheur.
Une lecture rapide oui mais non, il ne faut pas, il faut juste se laisser aller à lire :
Ces non-sens.
Ces rencontres, ces clients si différents, ce libraire si étrange, le style de l’auteur, les mots qu’il utilise tout ce qui compose ce livre.
Le premier chapitre déroutant, le dernier aussi, mais tout cela est si bien construit. Un ensemble comme des notes de musique sur une partition, et puis tout d’un coup tout s’enchaîne, s’articule autour du personnage, ce libraire sans nom, à la description sommaire, qui se pose des questions, qui est là sans être là, qui aime lire, lire et rien d’autre, boire des tisanes et écouter Mozart. Il est unique mais a cinq frères et cinq sœurs, à qui il envoie des pages arrachées de livres –livres qu’il entasse à l’étage et ne vend plus-, chaque fois qu’il pense à l’un d’eux.
Un libraire qui envoie des clients au bar-tabac d’en face lorsqu’il demandent qui le rayon de développement personnel, qui du droit commercial ou autre, c’est un remède à tout ce qu’il ne peut proposer.
On voyage entre rire, plaisir et réflexion.

Je ne connaissais pas du tout l’auteur, né en 1973 d’un père brésilien et d’une mère française, auteur de deux autres livres « Pas de temps à perdre » en 2000 et « Zéros tués » en 2202 (au Diable Vauvert), salués par la critique.
J’ai beaucoup aimé sa musique des mots, à lire, relire, à offrir mais pensez au jeune homme !
C’est un vrai coup de cœur comme j’en ai rarement, mauvaise lectrice que je suis car une fois le livre refermé je l’oublie !!!

Pou, dou, pou, dou, poudou.
Ah oui, j’entends encore le poudoupoudoupoudou de la porte, lorsqu'elle s'ouvre ou se ferme mais aussi les livres qui vivent, se cachent, se taisent... et puis « Il y a beaucoup de choses intéressantes à apprendre des icebergs. »

Du même auteur : Mari et femme

Par Google
Lauréate du Prix Biblioblog de la critique 2007.


Comment faire après un si joli billet pour dire ses impressions? Surtout quand celles-ce sont en demi-teintes.

Il est très difficile pour moi de vous parler ce livre, d'autant plus que vous avez attribué à Google le Prix Biblioblog de la Critique. Mais finalement, je me dis aussi que tout le talent de Google réside peut-être là. Laissez-moi vous expliquer.

Si j'ai trouvé le récit sympathique et les personnages attachants, je n'ai par contre absolument pas été séduite par la musique de l'auteur. Cette insistance dans les répétitions, cette sensation de fouillis permanent m'ont vraiment rebutée, et je n'ai pas adhéré à cet univers loufoque et surréaliste. J'en garde une lecture agréable mais pas renversante.
Je l'ai lu pratiquement juste après la publication de ce billet, il y a donc 3 mois de celà, et tant que la critique de Google était en lice pour le prix de la critique, je n'ai pas voulu vous livrer mes propres impressions. Or le temps a passé depuis que j'avais rédigé ses quelques lignes, et aujourd'hui, je garde un souvenir très flou de ce roman.
Tout cela ne remet bien évidemment pas en compte la critique de Google. Bien au contraire je trouve, puisqu'elle a réussi à attiser ma curiosité et à me faire découvrir un roman que je n'aurais sans doute pas lu sans elle. Et puis, comme nous le disons souvent ici, il y a autant de lecture d'un roman que de lecteurs. ;)

Par Laurence
le 07/07/2007


Extraits :

A des milliers de kilomètres de l’endroit où vous vous trouvez, dans un pays, une ville, une librairie parmi tant d’autres, un libraire ouvrit les yeux.
Il venait d’entendre le poudoupoudoupoudou de la porte d’entrée de sa librairie.
Il rangea un peu son bureau, puis il attendit.

[...]

Un parfum de fleurs qui n’était pas celui des pivoines mais qui semblait composé de plusieurs fleurs arrangées ensemble entra dans la librairie

[...]

Bonjour Monsieur, je cherche Anna Karénine.

[...]

Pour tout dire, lorsque le libraire lisait un livre, il avait le sentiment d’être aimé.

[...]

Les livres, eux, avaient besoin des lectures du libraire pour continuer à vivre en lui. Alors, le libraire continuait de lire.


Éditions le Diable Vauvert - 196 pages