Olivier Pont alterne les focales. Chaque enfant prend à un moment donné la caméra pour nous raconter son vécu. Si je parle de caméra, ce n'est pas innocent. Dès les premières pages, le découpage fait penser au cadrage de cinéma et l'on découvre émerveillé la beauté des rivages, les criques paradisiaques. Mais les deux scénariste n'ont pas oublié pas la violence des petits villages du sud de l'Italie du début du siècle : Ses habitants sont machistes et xénophobes, et les carabiniers complices de leurs exactions.
Au milieu de cette peinture des mœurs, il y a ce petit groupe d'enfants, insouciants, heureux d'être ensemble. Et pourtant, là-encore, la narration se brise. Sur de pleines doubles pages, à travers une fracture des couleurs et du graphisme, Olivier Pont fait éclater des visions cauchemardesques : de l'Égypte ancienne en passant par l'esclavagisme, des hommes et des femmes souffrent et appellent à l'aide. Mais qui sont-ils? D'où viennent-il?

Tome 2 : Istambul, 20 ans plus tard.
Alors qu'il s'étaient tous perdu de vue, Lisa rappelle les membres du quatuor. Les quatre garçons, encore amoureux, accourent aussi sec. Elle veut qu'ils partent au Costa Rica pour retrouver Thomas, l'homme qu'elle aime. Le cinquième selon elle.
Sur les traces de cet amoureux, l'équipe reformée va vivre d'étranges d'expériences. Des visions, comme lorsqu'il étaient enfants... Mais est-ce bien sérieux?

Il est très difficile de parler de ces deux albums sans trop en dévoiler, mais j'ai vraiment eu un coup de foudre, tant pour le graphisme que pour l'intrigue.
Le nœud de l'histoire est finement trouvé et ce n'est que quand les auteurs l'ont voulu que j'ai compris de quoi il en retournait.
Quant aux dessin, c'est un vrai plaisir. Tout à coup, on ne tient plus entre ses mains un album, mais on est projeté dans une salle de cinéma. Olivier Pont manie avec grand art le découpage de ses planches, les paysages, les ruptures dans la narration... Il faut également souligner le travail de coloriste de J. J. Chagnaud.
La couverture a elle seule est un ovni. Pas de noms d'auteurs, un titre excentré, est un ciel dans lequel notre regard se perd. C'est en fait le visuel qui m'a immédiatement attirée. En préparant ce billet, j'ai découvert qu'il existait une édition réunissant les deux tomes, et là encore, la conception graphique est splendide.
Il a fallu 6 ans de gestation avant de publier les deux recueils (196 pages tout de même), mais ils ont enfanté d'un très beau projet. D'ailleurs, les professionnels de la bande dessinée ne s'y sont pas trompé puisqu'ils ont reçu plusieurs prix dont Le Grand Prix RTL de la BD. Enfin bref, je ne peux que vous conseiller la lecture de ces albums.
Si vous n'êtes toujours pas convaincu, vous pouvez faire un saut sur le site Barrellito et plonger dans l'univers de cet album hors-norme.

couverture-album2 couverture intégrale
Éditions Dargaud - 196 pages