Océan Mer c’est l’histoire de Thomas et Savigny, une histoire de cruauté et de survie. Une histoire de vengeance. Océan Mer c’est aussi l’histoire d’Elisewin qui va rencontrer la mer pour ne pas mourir. Et l’histoire d’une très belle femme qui essaie de se guérir de l’amour. Et l’histoire d’un scientifique qui essaie de rencontrer l’amour. Et l’histoire d’un peintre qui essaie de saisir l’insaisissable. C’est le livre où on cherche où commence la mer. Et où elle finit. C’est surtout la rencontre de tous ceux-là, au même endroit. À la pension Almayer ce sont des enfants étranges et magiques baptisés avec des noms en D qui accueillent les multiples personnalités qui jonchent ce livre.
Sous la plume de Baricco, on rencontre cette faune unique où la blessure de chacun chatoie sous le regard des autres. La particularité de la trame narrative de Baricco c’est d’être à la fois dans le temps et hors du temps, dans le lieu et hors du lieu. Le Sénégal et la France sont évoqués, mais on parle du Royaume, un Royaume où certains éléments nous projettent au Moyen-Âge, d’autres dans une étonnante modernité. Océan Mer est un conte pour adulte dont le personnage principal est la mer elle-même et dont le seul décor qui compte vraiment est construit des mots de Baricco.
Bon, c’était ma première entrée chez Baricco. On me dit que ce n’est pourtant pas la plus belle pièce. Et pourtant, je suis tombée gravement sous le charme. J’ai dévoré ce livre, à la fois emportée par le style unique et changeant, comme une œuvre artisanale qui se refuserait de suivre un modèle symétrique. Comme une courtepointe sans patron. Ici tout est riche : le vocabulaire, le style, la syntaxe. Ça roule en bouche comme un plaisir gastronomique. J’ai eu des envies de me lever dans mon lit pour faire la lecture à haute voix, pour écouter la beauté. Et au cœur de tout cela, la voix de la mer. À la fois cruelle et terrifiante, douce et maternelle.
Je ne saurais trop recommander ce livre à ceux qui comme moi sont bien en retard pour découvrir Alessandro Baricco.
Du même auteur : Novecento : pianiste, Soie, City et L'âme de Hegel et les vaches du Winsconsin, Mr Gwyn
Par Catherine
Extrait :
J’ignore combien de temps s’est écoulé. Il n’y a plus de jours, il n’y a plus de nuits, tout n’est que silence immobile. J’ai ouvert les yeux et il était là. Je ne sais pas si c’est un cauchemar ou si c’est vrai. C’est peut-être simplement la folie, une folie qui finalement est venue me prendre. Mais si c’est la folie, elle fait mal, elle n’est nullement douce. J’aimerais qu’il fasse quelque chose, cet homme. Mais il continue à me regarder, c’est tout. Il n’aurait qu’un pas à faire, et il serait sur moi. Je n’ai plus d’arme. Lui, il a un couteau. Je n’ai plus de forces, rien. Lui, il a dans les yeux le calme et la force d’un animal en chasse. Incroyable qu’il soit encore capable de haine, ici, dans cette geôle abjecte à la dérive, où il n’y a plus que la mort maintenant. Incroyable qu’il soit capable de se souvenir. Si seulement j’arrivais à parler, si seulement il y avait encore un peu de vie en moi, je lui dirais que j’étais obligé de faire ça, qu’il n’y a pas de pitié dans cet enfer, qu’il n’y a pas de faute, et qu’il n’y a ni lui ni moi mais seulement la mer, et de me tuer. S’il te plaît. Mais je n’arrive pas à parler. Lui, il reste là, sans détacher ses yeux de moi. Et il ne me tue pas. Quand tout cela finira-t-il ?
Éditions Folio - 282 pages
Commentaires
mardi 17 avril 2007 à 07h42
Toi la fille de l'océan tu as attisé la curiosité de la fille de la méditerranée. Je ne connais pas Alessandro Baricco, mais nul doute que c'est pas cette œuvre que je dois commencer.
mardi 17 avril 2007 à 09h42
J'avais adoré "Soie" d'Alessandro Barrico. Je vais me jeter sur celui là.
mardi 17 avril 2007 à 09h59
Catherine, j'adore ton résumé...
D'ailleurs, il me fait penser à un recueil de nouvelles que j'ai lu l'an passé... Tiens, je crois que je vais profiter du thème de la mer que tu développe pour me replonger dedans
mardi 17 avril 2007 à 10h11
Ce "on" qui t'a dit que ce "n'était pas la plus belle pièce" de Baricco... je ne suis tout simplement pas de son avis ! "Soie" est le livre qui l'a fait connaître en France est magnifiquement ciselé. "City" est un bijou de style et d'humour. "Sang pour sang" est une balle tirée en plein coeur. Mais "Océan Mer" leur est incomparablement supérieur, de mon point de vue. Baricco est un maître du style, mais là le style se fond dans la beauté de l'oeuvre, devient émotion et ravissement. "Océan Mer" est une oeuvre magistrale qui vous suit longtemps. Vous la relirez.
Je n'étais pas venu pour cela, pourtant je ne résiste pas à vous inviter chez moi... où je vous propose de venir m'y lire (roman, récits, théâtre) : www.avoodware.com
mardi 17 avril 2007 à 11h35
Merci pour cette présentation, qui me donne envie de lire ce livre.

mardi 17 avril 2007 à 11h35
Comme Gambadou, j'ai beaucoup aimé "soie" et celui-ci me tente bien !
mardi 17 avril 2007 à 13h09
OH si vous saviez... faut que je le répète mais en cherchant l'extrait j'ai presque relu le livre au complet...
Je crois que ça dit tout!
Allez un autre bout pour vous tenter:
«Ecrire à quelqu'un est la seule manière de l'attendre sans se faire de mal.»
mercredi 18 avril 2007 à 14h09
Bon moi aussi je ne connais que "Soie", alors je note celui-là !
jeudi 26 avril 2007 à 09h32
Je viens de finir "Soie", et je dois dire que je m'attendais pas à ça... J'ai trouvé le début convenu, puis je me suis intéressé aux personnages, à cette manière très particulière qu'à Baricco de souligner certaines actions, de les mettre en valeur sans en faire mention. C'est finalement une écriture qui m'a plu, il faudra donc que je lise celui-ci aussi...;)
mardi 1 mai 2007 à 10h39
ces liv son tres interessan et bien construit tres facil a comprendre et ecrit avec tant de poésie et de douceur q'on voudrai kil ne s'arrete jamas !!!
lundi 8 septembre 2008 à 23h57
Débutant sur un rythme assez lent ces intrigues émouvantes racontées avec beaucoup de finesse où la multiplication des effets de style fait ressortir la trame de chaque histoire , nous amènent entre ciel et mer à pénétrer des vies tourmentées sur le thème des « choses de la vie » Au fur et à mesure que l’on se « nourrit » des lignes qu’on « avale » Une frénésie s’empare de nous et nous contraint sous la plume magique d’un auteur qui a su magnifiquement nous séduire par des « mises en scènes » douloureusement belles , à poursuivre sous le regard des autres, le récit d’histoires intemporelles peuplées de personnages hauts en couleurs . Un voyage au cœur de la vie qui nous délivre un message « la vie est cet océan qui peut nous engloutir « …..
vendredi 8 octobre 2010 à 11h41
Je viens de finir ce roman, et je me sens abandonnée. Ce livre épouse mon désir, c'est drôle et touchant et poétique et violent. Je l'ai lu dans le magasin où je travaille, il m'a sauvé pour quelques heures du gris terne du commerce. J'ai envie de l'offrir à tous ceux que j'aime.
mercredi 19 septembre 2012 à 20h49
Ton analyse est bien écrite, elle rend bien l'énergie du livre et l'art de Baricco dans ce récit. Je viens d'en terminer la lecture et j'ai été transportée. J'avais lu de lui Soie et j'avais était transportée par la poésie de son écriture ainsi que la douceur et la subtilité du sujet du récit et de sa manière d'en rendre compte. Il est admirable et ce livre en est un bel exemple.