Malheureusement, la rencontre fut très décevante. J'ai trouvé ces nouvelles sans saveurs, voire engluées dans une mièvrerie malvenue.
Et quand enfin, j'accrochais à une des intrigues (L'Intruse), il a fallu qu'Éric-Emmanuel Schmitt se sente obligé de conclure son récit en posant lourdement "les points sur les i" comme si son lecteur n'était pas assez fin pour faire ses propres déductions.

Monsieur Éric-Emmanuel Schmitt, vous expliquez à la fin du recueil avoir écrit ces histoires en cachette, sur le bord d'une table ou au détour d'une séquence de tournage du film éponyme. Ces histoires auraient sûrement mérité plus que quelques heures volées. Vous me trouverez bien sévère, sans doute, mais il y a un vieux proverbe qui dit "Qui aime bien, châtie bien". J'ai tellement aimé "Oscar et la dame en rose", ou été interpellée par "La part de l'autre", que vraiment, je ne peux me satisfaire de cette "Odette Toulemonde". Je vous en veux d'autant plus, qu'en l'espace de quelques pages, moi qui me reconnaissais en Odette quand je lisais vos récits, je me suis retrouvée bien malgré moi dans la peau d'Olaf Pims.
J'attends donc maintenant avec impatience votre prochain titre et notre réconciliation.

Voir aussi les avis de Milou, Bernard, Gambadou, et Jules

Du même auteur : Lorsque j'étais une oeuvre d'art, La part de l'autre, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame en rose, L'enfant de Noé, La nuit de Valognes, Le visiteur, La rêveuse d'Ostende et L'évangile selon Pilate

Extrait :

Le visage du critique littéraire redouté, Olaf Pims, apparut à l'écran, et, par je ne sais quel instinct, Balthazar sentit immédiatement qu'il allait être agressé.
Derrière ses lunettes rouges - des lunettes de matador qui s'apprête à jouer du taureau avant de le tuer-, l'homme prit un air ennuyé, voire écœuré.
- On me demande de chroniquer le dernier livre de Balthazar Balsan. D'accord. Si au moins cela pouvait être vrai, si l'on était sûr que c'est le dernier, alors ce serait une bonne nouvelle ! Car je suis atterré. Du point de vue littéraire, c'est une catastrophe. Tout y est consternant, l'histoire, les personnages, le style... Se montrer aussi mauvais, mauvais avec constance, mauvais avec égalité, ça devient une performance, c'est presque du génie. Si l'on pouvait mourir d'ennui, je serai mort hier soir.
Dans sa chambre d'hôtel, nu, une serviette autour des reins, Balthazar Balsan assistait, bouche née, à sa démolition en direct. A ses côtés sur le lit, Florence, gênée, gigotait tel un asticot cherchant à remonter à la surface.
Olaf Pims poursuivit paisiblement son massacre.
- Je suis d'autant plus gêné de dire cela qu'il m'est arrivé en société de croiser Balthazar Balsan, un homme aimable, gentil, propre sur lui, au physique un peu ridicule de prof de gym mais un individu fréquentable, bref le genre d'homme dont une femme divorce agréablement.
Avec un petit sourire, Olaf Pims se tourna vers la caméra et parla comme s'il se trouvait soudain en face de Balthazar Balsan.
- Quand on a autant le sens des clichés, monsieur Balsan, il ne faut pas appeler ça roman, mais dictionnaire, oui, dictionnaire des expressions toutes faites, dictionnaire des pensées creuses. En attendant, voilà ce que mérite votre livre... la poubelle, et vite.


Éditions Albin Michel - 282 pages