Solibo Magnifique est un de ces livres policiers qui commencent avec la mort du héros. Cette mort déclarée suspecte est prise en mains (quoi que cela pourrait être discutable…) par la police martiniquaise et les différents témoins de la scène sont mis au garde-à-vue. Ce récit d’une enquête policière absurde est en fait un prétexte pour faire la gloire du Magnifique, mais aussi pour témoigner d’une créolité ancrée dans la parole qui se perd doucement. Il est difficile d’en raconter plus sur cette histoire et ce roman au timbre unique.
En fait, Solibo Magnifique est davantage marquant par son ton, par son écriture hors du commun que par son histoire elle-même. C’est moins la force d’un récit que la force d’une plume. Ce livre est tout bonnement écrit en créole. Par moment on a vraiment l’impression de lire dans une langue qu’on ne connaît pas. Ça chante, ça tangue, ça voyage. Et c’est magnifique comme de constater qu’on se comprend sans se connaître. En ce sens ce livre peut me rappeler l’effet que devait faire à un Parisien la lecture des romans écrits en joual québécois dans les années 1970.
Ce livre m’a fasciné en ce qu’il pose justement la difficile adéquation entre une culture de l’oralité et une culture de l’écriture. Il s’agit aussi d’une expérience de lecture particulière, mais exigeante, en ce que d’une part ce roman recèle un humour mordant, un penchant pour l’absurde qui donne l’impression d’assister à un guignol et des scènes au sens politique révoltant. Métaphore de la violence d’une culture hégémonique sur des cultures locales, la férocité des policiers envers leurs compatriotes me donnait envie de faire de ce livre un incontournable de mes enseignements de la culture coloniale.
Je me suis aussi posée des questions concernant le regard qu’un Martiniquais peut se permettre de porter sur ses congénères. Si ce roman avait été écrit par un Français de la métropole il m’aurait apparu paternaliste. Les témoins sont attachants, mais semblent parfois un peu bêtes. Ou alors est-ce moi qui juge de leur intelligence avec mon regard standardisé marqué par une rationalité toute occidentale ? Probablement que c’est le cas… Raison de plus pour se confronter encore plus souvent à toutes nos différences.
En résumé j’ai aimé ce livre même si parfois le style m’est apparu surfait. À force de vouloir teinter le français de créole j’ai l’impression que l’auteur alourdit par moment une poésie qui pourrait être plus épurée, plus naturelle.
Du même auteur : Les neuf consciences du Malfini
Par Catherine
Extrait :
Charles Gros-Liberté, crié Charlot, répondit aux questions comme un somnambule, en caressant une traînée blanchâtre qui naissait sur sa joue. Pilon, pour l’aider à se détendre (effet qu’évoquer Solibo semblait leur faire à tous), lui demanda ce qu’il savait des dernières heures du Magnifique. Charlot dit qu’on ne pouvait rien en savoir : Solibo vivait sans montre et sans calendrier, et surtout sans habitudes. Il n’était réglé que sur la vente de son charbon, sur son punch à midi au Chez Chinotte, et sur le jour de la Toussaint où il honorait de bougies saint-antoine sa défunte manman Florise (une larme sur elle, Seigneur). Pour le reste, inutile de l’espérer là où tu l’attendais. Il aurait cadencé sa biguine à contretemps s’il avait été musicien, et sa mazurka n’aurait jamais été piquée au même endroit.
Éditions Folio - 243 pages
Commentaires
mercredi 2 juin 2010 à 18h04
Bonjour Madame,
Je suis en ce moment même entrain de lire Solibo Magnifique pour un examen d'admission universitaire.
Je vous pose un commentaire pour savoir si vous seriez me venir en aide sur une question qui me demande quel est le grand courant littéraire du siècle auquel appartient l’oeuvre.
Merci de votre aide