Le lieutenant Frewin et son équipe de la Police Militaire (MP) vont se retrouver confrontés à une chose contre laquelle il n'est aucune préparation possible : la noirceur de l'âme humaine. Aidés par Ann, une jeune infirmière voulant exorciser ses propres démons, ils vont peu à peu établir un profil psychologique du criminel à l'intelligence diabolique et le chasser parmi les combattants, faisant ainsi ressortir les haines et les tensions chez des hommes déjà harcelés par la mort.

Les prédateurs sont-ils les enquêteurs ou les tueurs ? Le roman s'ouvre sur un exergue bien connu de Plaute : « L'homme est un loup pour l'homme ». Rien de plus vrai dans ce roman. Chaque page recèle son lot d'horreurs, dues à la guerre ou au tueur. La tension est presque palpable tant elle est bien rendue, d'abord à cause de cette fameuse guerre dont on ne sait rien sauf qu'elle est sans doute inutile, comme toutes les autres. Ensuite entre les hommes qui finissent par se suspecter les uns les autres, ajoutant encore au climat malsain.
Au-delà du récit fictif et de l'enquête criminelle, Chattam fait passer un message sur la vanité de la guerre (« Est-ce que des politiciens qui déclarent la guerre donnent le bon exemple ? » p. 312) et une conception de l'homme presque rousseauïste (L'homme est bon par nature, c'est la société qui le transforme et le rend mauvais et violent).
Enfin, comme dans la Trilogie du Mal, la force du récit réside aussi dans le fait que l'auteur nous propulse face à nos propres peurs, les plus archaïques, les plus terribles, celles qui nous empêchent de fermer l'oeil la nuit, et qui mènent le lecteur à cette apnée insoutenable, cette plongée dans l'horreur tellement précise grâce aux descriptions presque cliniques, que plusieurs fois il m'a fallu poser le livre pour reprendre une goulée d'air, m'apercevoir que la lumière du jour déclinait et que décidément, non, je n'irais pas me coucher avant de l'avoir fini...

Du même auteur : Les arcanes du mal, La théorie Gaïa, Le sang du temps, Léviatemps

Par Cœur de chene

Extrait :

Il y a toujours des mauvaises langues pour imaginer le pire et ternir les réputations. Vous savez, plus la guerre avance et plus je crois que l'homme est un chien sauvage. Quand l'un d'entre nous tombe à terre, il y en a toujours, par groupes, par meutes, pour s'en prendre à lui. Un homme blessé est une proie facile. On se déchaîne comme on peut, plus à coups de crocs désormais, mais à coups de sarcasmes, de rumeurs.[...]

Cette fois, témoignait l'officier de permanence, le garde qui avait découvert le corps était paniqué. Il avait perdu les pédales et était parti dans des délires, décrivant un corps mi-homme, mi-bête et hurlant que le diable était à bord. L'officier l'avait fait descendre à l'infirmerie aussitôt – celle du navire, par souci de discrétion. Mais la rumeur s'était propagée parmi les soldats de garde. L'officier avait alors décidé de se rendre compte par lui-même. Il n'avait pas retrouvé ses couleurs depuis.

couverture
Éditions Albin Michel - 459 pages.