Ce roman du grand auteur de science-fiction Robert Silverberg raconte l’histoire de David Selig, Juif New-Yorkais qui, au moment où se déroule le roman, a un peu plus de 40 ans en 1976. David Selig a reçu à la naissance un don surnaturel : il est télépathe récepteur, c’est-à-dire qu’il ne peut pas émettre d’informations, mais peut lire dans les pensées des gens. Au moment où le récit commence, David Selig est dans une phase noire de sa vie, célibataire il se considère comme un raté, gagne sa vie en écrivant des dissertions pour des étudiants universitaires et n’a personne d’autres dans sa vie que sa sœur benjamine Judith avec qui il a entretenu de tout temps un lien plus proche de la haine que de l’amour filial.

Convaincu que c’est son don qui a gâché sa vie, Selig est pour le moins mal pris constatant que celui-ci s’efface doucement. Un peu comme un amnésique perd la mémoire, il se retrouve à voir s’effacer un sens qui toute sa vie avait caractérisé son rapport au monde. Soudain il se demande si c’est le don vraiment qui a gâché sa vie, si celle-ci ne sera pas encore plus morte une fois le don disparu.

Devant ce changement inquiétant, Selig nous raconte sa vie. La forme particulière de ce roman intercale des narrations à la première, à la deuxième et à la troisième personne. Chaque section de la vie de Selig est profondément enracinée historiquement et nous arrivons à percevoir clairement le New York des années 1950 à 1970 ainsi que la couleur des différents personnages secondaires qui ont traversé sa vie. C’est un roman intelligent qui puise beaucoup dans l’intertexte en référant à des sources littéraires, philosophiques et psychologiques.

J’ai aimé ce livre. Je ne suis pas une fan de science-fiction, mais ce roman est vraiment accessible et pourrait plaire à beaucoup de lecteurs ou lectrices qui ne sont pas des adeptes du genre. C’est d’abord un roman psychologique dont le style ne m’a pas particulièrement frappé, mais qui m’a intéressé tout au long. Le genre de livre que je conseillerais pour passer un bon moment, sans vraiment s’attendre à voir sa vie changer.

Du même auteur : Gilgamesh roi d'Ourouk

Par Catherine

Extrait :

Le gosse me reluque d’un air méfiant. Il est assis par terre à l’autre bout de la pièce, près de la fenêtre, et il tripote un jouet compliqué en plastique, sans jamais me quitter du coin de l’œil. Il a le teint sombre, et il est maigre et tendu comme sa mère, distant et froid. Pas d’affection perdue entre nous. J’ai été dans sa tête et je sais ce qu’il pense de moi. À ses yeux, je ne suis que l’un des nombreux hommes qu’il y a dans la vie de sa mère, un oncle véritable n’étant pas différent de la multitude de substituts qui viennent coucher ici. Il doit le prendre pour un amant qui vient un peu plus souvent que les autres, simplement. Erreur compréhensible. Mais tandis qu’il en veut aux autres parce qu’ils lui font concurrence dans l’affection de sa mère, il me considère avec hostilité parce qu’il pense que j’ai fait du mal à sa mère. C’est à cause d’elle qu’il me déteste. Il a intuitivement discerné le réseau vieux de plusieurs décennies de tension et d’hostilité qui définit mes relations avec Judith. Je suis un ennemi. S’il pouvait, il me ferait la peau.

couverture
Éditions Folio SF - 333 pages