C'est en tout cas ce que désire ardemment Pierre, informaticien, qui ne voit en ce logiciel qu'un nouveau jeu multimédia interactif passionnant. Pourtant, très vite, Naïma s'y oppose formellement.
Animatrice d'ateliers d'écriture en banlieue, elle est très inquiète des nouvelles flambées de violence qui agitent les quartiers à la veille des élections présidentielles, et y voit une manipulation politique des plus dangereuses.
Or tout se précipite quand Romanesque 2.0 se retrouve au centre de cette actualité brûlante.
Romanesque 2.0 s'inscrit dans la lignée des romans policiers engagés. En situant son action à Grigny quelques mois avant les élections présidentielles, Olivier Las Vergnas en profite pour dénoncer les dérives et manipulations des divers partis politiques.
L'intrigue est bien construite (même si elle souffre parfois de quelques longueurs), et quand on pense assister à une fin décevante et cousue de fil blanc, l'auteur arrive à nous piéger dans les dernières lignes et le retournement de situation fonctionne à merveille.
Malgré tout, je dois souligner que j'ai bien failli passer à côté de tout cela et fermer le livre au bout de quelques pages !
Comme le disait si bien Victor Hugo, La forme c'est le fond qui remonte à la surface. Or de ce point de vue là, le livre dessert vraiment très mal l'intrigue.
Il y a tout d'abord les coquilles trop nombreuses essaimées tout au long des pages, et qui gâchent vraiment le plaisir de la lecture. L'éditeur n'a ici absolument pas fait son travail. Qu'il y ait quelques erreurs, passe encore, mais quand les mots sont coupés au petit bonheur la chance, que la ponctuation est fantaisiste, et qu'il y a des incohérences dans la mise en page des dialogues, cela ne vous engage pas à poursuivre.
Ensuite, en parlant des dialogues justement, je les ai trop souvent trouvés plats et artificiels. Il manquait un "je ne sais quoi" pour qu'ils soient crédibles et maintiennent le rythme. De même, le style de l'auteur n'est pas suffisamment enlevé et riche, et il faut passer outre pour s'attacher aux rebondissements de l'histoire.
C'est donc un bilan en demi-teinte. Une bonne idée, une intrigue intéressante, mais un rendu trop amateur et en-dessous des exigences que peut attendre un lecteur lambda.
Du même auteur : Autopsie d'un sans papier
Laurence
Extrait :
Trois minutes s'écoulent pendant lesquelles Pierre picore ici et là des morceaux du texte.
"Tran, elle a l'air sympa ton histoire ! C'est vrai qu'on dirait un roman.
- T'es gonflé ! Bien sûr, que c'est vraiment un roman. Permets-moi de te faire remarquer que tu n'en as encore rien vu. Hier, je m'étais dit, je vais devoir me le fader et... en fait, ça m'a scotché et j'ai tout lu d'une traite... Mais je n'y suis pour rien ou plutôt presque rien. Bizarre comme impression : j'ai crée mon histoire, mais le logiciel, lui, les avait potentiellement toutes crées. Comment résumer ce que je ressens ? C'est comme un logiciel d'architecture, mais en bien plus sidérant On choisi quelques paramètres, et pouf, ça existe ; ça vit. Avec ça on peut matérialiser de vagues idées. Ce qui est sûr c'est que sans Romanesque, je n'aurai jamais osé écrire un roman tout seul : tout le mérite de mon passage à l'acte lui en revient.
- Surtout à Naïma, si j'ai bien compris. Cette fille fantôme a fait un sacré boulot.
- Au fait, va juste une minute cliquer voir si j'ai pas eu un mail depuis tout à l'heure...- il hésite et coupe la parole à Pierre avant qu'il ait même commencé à ouvrir la bouche - et s'il te plaît épargne moi tes commentaires sur ma parano.
- OK. - Pierre clique sur la petite enveloppe de la barre des tâches et une seconde plus tard le "pas de message" s'est affiché- R.A.S.. A défaut de ta Naïma en chair et en os si j'ose dire, on en revient à son Romanesque ?
- Ouais... Pourvu que... , commence Tran, avant de se dominer.
- Pourvu que quoi ?
- Non rien, ment Tran. C'est juste qu'il se passe tellement de choses dans les milieux qu'elle fréquente.
- Les milieux ?
- Ben, oui, en fait, je t'en ai déjà plus ou moins parlé, je crois. Elle n'est pas très loin de ceux qui sont au contact.. tu sais, les anti-intégristes, les anti-fachos... en banlieue et ailleurs.
- Tu veux dire, c'est une... comment on dit ? une activiste ?
- Non, non... Mais, ça grouille dans tous les sens avec les élections qui arrivent... Tous ces acteurs, oui, disons acteurs plus ou moins louches grenouillent un peu partout et un peu avec n'importe qui. Et quand je dis grenouillent, je devrais plutôt... Et alors... Enfin, de toute façon... on y pourrait rien... alors, tu as raison, il vaut mieux revenir à Romanesque.
NdR : les coquilles sont celles du livre
Éditions Le Passager Clandestin - 269 pages
Commentaires
vendredi 11 mai 2007 à 20h55
La poutre et la paille...
je viens de réaliser que j'avais oublié les retours à la ligne dans l'extrait que je vous ai proposé. Voilà qui est corrigé.
vendredi 11 mai 2007 à 21h01
C'est quoi écrire finalement? Aligner des mots pour leur donner du sens?
Si ce n'était que cela, imaginez qu'un logiciel ait été suffisamment bien conçu pour écrire des romans... Qu'adviendrait-il de la création?
Sur ces questions de fond, à signaler le site éponyme romanesque.fr qui permet de mieux situer le contexte de "Romanesque 2.0".
A consulter en particulier les pages sur les générateurs littéraires. Sans oublier celles consacrées aux ateliers d'écriture comme celui qu'anime Naïma et aux jeux GN qui inspirent le Ludodrome de Viry-Chatillon.
Bonne Lecture, malgré les questions de forme... La petite édition n'a pas toujours les moyens de ses ambitions, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle a besoin de l'audace des lecteurs... car elle ne peut compter sur le soutien de la grande presse : les découvertes viennent la plupart du temps des lecteurs et des (petits) éditeurs qui prennent des risques et trop rarement des journalistes des grands media.
Et mille excuses si ce plaidoyer d'un auteur pour son petit éditeur vous importune.
vendredi 11 mai 2007 à 21h44
Votre plaidoyer ne nous importune certes pas. Vous êtes le bienvenu ici. Et je maintiens que j'ai trouvé l'idée de l'intrigue très intéressante
dimanche 13 mai 2007 à 13h47
C'est vrai que cette question des automates générateurs de romans n'est plus très à la mode en France. Pourtant, elle pourrait le redevenir avec le progrès que l'on observe dans le champ des systèmes experts. Et alors ? verra-t-on bientôt les nègres qui écrivent toutes ces fictions TV qui occupent nos étranges lucarnes tous les soirs remplacés par un super logiciel comme Romanesque 2.0 ? et le book pour écrire "le poulpe" à la Baleine étaient-ils prémonitoire d'une nouvelle forme de relation à la créativité, post Oulipienne ?
Pour suivre cette actualité, dans la logique de la reflexion engagée à l'occasion de l'écriture de Romanesque 2.0 nous avons développé "le blog d'Abdel" à autokteb.org : on y découre les dernières nouveautés en matière de cyberlittérature, comme GolpedeGracia, un super hyper-récit colombien... ou les dernières reflexions sur le sujet, comme celle sur la "prédictivité" des récits autogénérés, conduite par Perez y Perez à Mexico.