Dans ce roman, Gocéné, le vieux Kanak, relate son expérience à de jeunes compatriotes indépendantistes de la Nouvelle-Calédonie. Il raconte donc comment dans sa jeunesse il a été transporté à Paris, pour faire un de ces voyages qui «forment la jeunesse». Pourtant, il s’agissait surtout de l’exposer, lui et 110 de ces compatriotes, dans des cages au profit des visiteurs de l’Exposition coloniale au milieu d’autres bêtes sauvages. Histoire d’ajouter l’insulte à l’injure, on sépare le groupe pour envoyer une partie d’entre eux dans un cirque allemand en échange de crocodiles. Minoé, la fiancée de Gocéné, est emportée dans ce groupe. Et voilà que la course folle commence tandis que Gocéné, accompagné de Badimoin, s’enfuit pour retrouver Minoé et les autres disparus. Ils partent ainsi à la découverte de Paris, jungle urbaine.

Je ne peux pas dire que j’ai détesté ce court récit, mais j’ai bien compris qu’il soit mis à l’étude dans certains collèges. Il est à ce point didactique que le récit en semble parfois aplati. Le discours anti-colonialiste mérite bien de se conjuguer dans toutes les langues et dans tous les niveaux de langue, mais il s’agit quand même d’un petit bouquin un peu sans envergure malgré l’intérêt pour la culture générale. De plus, j’ai été un peu énervée par le regard très européen que Gocéné porte sur la France qu’il est supposé être en train de découvrir. La richesse du vocabulaire et la précision des descriptions jurent avec la vision d’un être qui est supposé être en train de vivre un choc culturel majeur.

(Du même auteur : Nazis dans le métro, Le dernier guerillero et Rue des degrés in Paris Noir)

Par Catherine


Comme je le disais en commentaire il y a quelques mois, ce livre m'attendait sagement sur mes étagères depuis quelques années. L'avis très critique de Catherine a eu l'effet inverse de celui auquel je m'attendais : au lieu de me décourager, cela n'a fait qu'aiguiser ma curiosité. C'est pourquoi, la semaine dernière, je l'ai délogé de son étagère pour le lire à mon tour.

Je comprends tout à fait la critique de Catherine. Et effectivement, avec un regard d'adulte, ce roman peut paraître un peu simpliste et sans envergure. Mais il ne faut pas oublier que ce roman n'a pas été écrit pour notre vision d'adultes, mais pour des adolescents souvent frileux en matière de littérature. De ce point de vue là, je trouve le roman très bien fait. Avec un vocabulaire simple, mais pas bêtifiant, Didier Daeninckx raconte une partie de l'histoire française que beaucoup d'adolescents ignorent.

Quant à la façon dont Gocéné perçoit la France, étrangement, je ne l'ai pas du tout ressenti à la lecture, mais je dois reconnaître avec le recul que Catherine a raison sur ce point. Le vocabulaire notamment est parfois incongru.

Malgré toutes ces réserves, je crois que c'est une lecture tout à fait pertinente pour un public adolescent. La narration à la première personne et les aller-retour dans le temps, rendent Gocéné et Badimoin très attachants. Mais il faut bien sûr que cette découverte soit suivie d'une discussion avec eux sur les responsabilités françaises pendant la période de la colonisation. Car je crois que c'est ici que se situe la force de ce roman : établir un échange animé après la lecture.

Par Laurence
14 octobre 2007

Extrait :

Un lion a rugi dans le lointain, provoquant la réponse des tigres, des hyènes, des éléphants.
- Quand on passe près de l’entrée de l’Exposition, tu as remarqué le grand bâtiment en pierre blanche ?
- Celui qui a des étages en forme d’escalier et qui est décoré de serpents, de poissons, de chasseurs et de pêcheurs ?
J’ai ramassé un morceau de bois pour tracer dans la terre le plan de la porte Dorée.
- Oui. Juste derrière, au milieu d’une petite clairière protégée par des haies, il y a une autre maison, plus petite avec un toit pointu. Elle est toujours gardée par des hommes armés. C’est là qu’habitent les grands chefs du gardien. Il nous l’a dit quand on le balançait au-dessus du marigot des crocodiles. Ce sont eux qui ont décidé d’envoyer Minoé en Allemagne. Et s’ils savent faire partir des trains, ils ont dû apprendre aussi à les faire revenir ! Il faut aller les voir.
- Tu as un plan pour entrer sans que les policiers nous voient ?
- Pas encore.

couverture
Éditions Folio - 107 pages