Tout a commencé en 1946, à la fin de la guerre. Le petit Simon avait passé ces années d'horreur à l'abri dans la maison de campagne de sa grand-mère. En rentrant à Paris, il apprend le décès de son père et la santé fragile de sa mère, survivante des camps.

Survivante est le bon mot. Obsédée par la barbarie nazie et l'espoir de retrouver son époux, elle a transformé l'appartement en mausolée : des photos des charniers s'étalent sur les murs; dans une vitrine on retrouve pèle-mêle un pyjama rayé, un morceau de barbelé, une couverture élimée.
Comment grandir au milieu de ces horreurs? C'est pourtant ce que fait Simon, tant bien que mal, jusqu'au jour où sa mère, sur son lit de mort, lui réclame vengeance. Il doit retrouver celle qui est à l'origine de leur déportation et la tuer.

Quel étrange récit.
Je l'ai lu d'une traite et Patrick Cauvin a su me surprendre quand je m'y attendais le moins.
Et pourtant, je n'ai ressenti aucune urgence, peu ou prou d'angoisse, comme si l'indifférence maladive de Simon m'avait contaminée.
Car c'est ce qui est sûrement le plus intéressant dans ce récit. Pour se protéger, pour survivre, le petit Simon est devenu un adulte atrophié des sentiments. Tout semble glisser sur lui, rien ne l'émeut particulièrement. Il est étranger à sa propre existence.
Patrick Cauvin retranscrit parfaitement cet autisme nécessaire et fondamental à la survie du narrateur.

Oui, c'est un livre très étrange et dérangeant. Mais n'est-ce pas aussi le rôle de la littérature que de nous bousculer et de nous interroger?

Du même auteur : Menteur

Extrait :

L'idéal serait de ne pas avoir de corps. Exister bien sûr, mais impalpable, indécelable, être un esprit au fond d'un lit, sous une armoire...
J'ai souvent joué à ça, j'étais dans un coin de la pièce, et ils cherchaient partout, je voyais leurs bottes, leurs bas de pantalon, ils cassaient tout, ouvraient même les tiroirs de la commode, ils me frôlaient mais ne me sentaient pas.
Ou alors être une mouche, attendre dans un angle du plafond que la fouille se termine, ç'aurait été mon bonheur, ça, d'être une mouche, je serais sorti de temps en temps par la fenêtre, je serais rentré dans d'autres chambres pour voir des choses, dans les cinémas surtout. Il y en a beaucoup dans le quartier, je regarde les affiches dans les halls d'entrée, maman ne veut pas y aller, trop de monde, les salles trop pleines, elle ne peut pas supporter l'obscurité au milieu des autres... Elle m'y a emmené deux fois, il y a longtemps, elle doit sortir très vite, dès que les lumières baissent. La dernière fois, elle m'a serré la main si fort que j'ai cru qu'elle me cassait les doigts, et j'ai senti la peur monter comme une bête noire, un rat contre le dossier qui s'était glissé tout chaud sous ma veste.

couverture
Éditions Albin Michel - 204 pages