Il y a Jérémie Toussaint, homme seul qui vit avec sa mère et son oncle aux tirades un peu folles – enfin pas tant que çà. Traumatisé par l’avortement de sa petite amie, il soigne une dépression en suivant une « thérapie culinaire » et va à la piscine au moment des cours pour femmes enceintes. Vous avez bien lu. Et c’est un régal pour Jérémie et pour le lecteur.

Il y a Rose Hawkins, l’américaine, une femme seule, une éclopée, maltraitée par les hommes, par la vie, orpheline assez tôt, sans plus de relations avec sa sœur. Avec ou à cause de tout cela, elle est « grosse pour se dégueuler soi même tant elle se fait horreur ». Tout va mal, tout va mal.

Au cours d’un voyage scolaire où il accompagne quelques élèves aux Etats-Unis, Jérémie fait la connaissance de Rose, sa future logeuse, de vingt ans son aînée et une trentaine de kilos de plus. Mais c’est le coup de foudre.

J’ai bien aimé cette histoire toute en tendresse de ces deux mal en point. Leurs mal-êtres, leurs douleurs sont évoqués avec une sobre pudeur. L’auteur n’est pas tombé dans l’excès qui aurait fait de ses lignes un roman à l’eau trop rose. D'un sujet difficile, car rebattu, l'auteur fait avec des ingrédients trop souvent lus, un livre amusant et attachant.

Une lecture sans prétention mais qui fait du bien à lire de temps en temps et qui donne le sourire.

Ne ratez pas L'interview de Fred Paronuzzi

Du même auteur : 10 ans ¾, La lettre de Flora, Un cargo pour Berlin, Mon père est américain, Là où je vais.

Dédale


En lui-même, le ressort narratif semble assez simple et éculé : deux écorchés vifs qui pansent mutuellement leurs blessures.
Pourtant, la musique de Fred Paronuzzi nous fait rapidement oublier l'apparente simplicité de son intrigue. Avec beaucoup de tact, il accompagne ses personnages sur le chemin de la reconstruction et de l'ouverture à l'autre.
La délicatesse de son écriture est un baume pour le cœur. Loin de s'engluer dans la mièvrerie des sentiments, il a su distiller à bon escient des touches d'humour noir et grinçant. Le personnage de l'oncle, assénant ses souvenirs comme des sentences, est d'ailleurs irrésistible.

Un joli roman d'amour et d'espoir, contre la morosité ambiante.

Par Laurence

Extrait :

Ce locataire, pour faire court, c’était cinq cents dollars plus une vague contrariété à la perspective des délires indigestes de Dorothy, pas de quoi en pondre un œuf, en théorie…
Seulement, il y a cette façon de sourire comme on dévoile une partie vulnérable de soi-même, cette façon de vous saisir la main comme si c’était autre chose qu’un geste convenu, cette façon de vous regarder comme si ça valait le détour de vous voir.
Rose s’affole, le diesel poussif se déniche une seconde jeunesse.
Son visage rouge carmin, elle s’éclaircit la gorge puis le convie dans un filet de voix à la suivre là où ils seront sans doute plus à l’aise pour lier connaissance, à l’intérieur devant une boisson fraîche, tiens, par exemple.
Ravi, il empoigne son sac avant d’emprunter le portail qui geint sur ses gonds…

[…..]

C’est la première fois que Rose prononce son nom. Avec l’accent, il prend un tour exotique, voir langoureux. « Djérémie .» A qui çà pendait au nez et qui s’éprend soudain de miss Hawkins, fatalement, de la même manière que l’on chute à Solex sur une plaque de verglas.
Sans la moindre réticence, cette Rose, il la trouve à son goût. Il la trouve belle en plus de désirable : belle et désirable.
Avec ses ridules au coin des lèvres, ses cheveux argentés aussi courts que ceux d’un garçon. Avec sa nuque d’une blancheur de lait. Avec ses yeux d’un bleu presque noir. Avec cette solitude pareille à un lac perdu tout au fond de ses yeux. Avec ce corps vaste comme un trois-mâts.
Belle et désirable, parfaitement.

couverture
Éditions le Dilettante - 156 pages