La pièce relate les (més-)aventures de Cyrano de Bergerac, second d’une compagnie de Cadets (mousquetaires) et amoureux de sa cousine, Roxane. Pourtant, il n’ose se déclarer, persuadé qu’il est de sa laideur. En effet, son nez est particulièrement développé et lui fait honte. Palliant l’aspect physique par l’intelligence, Cyrano se distingue par la finesse de ses propos et son ironie marquée. Lorsqu’il apprend que l’homme qu’aime Roxane est un baron affecté à sa compagnie sans aucun esprit, il devient son ombre, instrument de l’amour de son rival jusqu’à leur mort à tous deux…

C’est certainement l’une des premières pièces de théâtre où j’ai pu pleinement m’identifier au héros, Cyrano de Bergerac me touche par la justesse des sentiments évoqués et toute cette douleur en contre point qui fait la profondeur du personnage. L’histoire est connue, à mon sens superbement portée à l’écran par Gérard Depardieu, mais elle reste trop souvent limité au point de vue du programme scolaire : le vaudeville particulier entre Cyrano, Roxane et Christian. Rarement, il est question du don de soi dont fait preuve Cyrano, de sa douleur profonde toujours en filigrane de la pièce. Je n’ai jamais entendu non plus évoquer les allusions de Rostand au vrai Cyrano, celui qui vécut au XVIIème siècle et qui fut un écrivain non dénué de talent à une époque où Molière exerçait le sien.

Enfin, c’est une pièce extrêmement riche du point de vue de la langue, les répliques s’enchaînent et le lecteur passe d’un grand sourire à une larme discrète au coin de l’œil.

Le tour de force de l’auteur est d’avoir fait que, finalement, nous nous reconnaissons tous un peu dans Cyrano…

Cyrano de Bergerac (1619-1655), poète, libre-penseur et écrivain français. Il est le premier auteur français à faire s’exprimer un acteur en patois paysan sur scène (dans Le Pédant Joué) et peut-être l’auteur d’un des premiers romans de Science-fiction (L’autre Monde, roman en deux parties comprenant Histoire comique des Estats et Empires de la Lune et Histoire comique des Estats et Empires du Soleil). A priori, la difformité dont l'a affublé Rostand n'est pas une réalité...

Par Cœur de chene

Extrait :

(Cyrano et Le Bret, après un combat. Cyrano annonce qu’il aime Roxane)

LE BRET
Eh bien ! Mais c’est au mieux ! Tu l’aimes ? Dis le lui !
Tu t'es couvert de gloire à ses yeux aujourd'hui !
CYRANO
Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance
Pourrait bien me laisser cette protubérance !
Oh ! Je ne me fais pas d'illusion ! — Parbleu,
Oui, quelquefois, je m'attendris dans le soir bleu ;
J'entre en quelque jardin où l'heure se parfume ;
Avec mon pauvre grand diable de nez je hume
L'avril, — je suis des yeux, sous un rayon d'argent,
Au bras d'un cavalier, quelque femme, en songeant
Que pour marcher, à petits pas, dans de la lune,
Aussi moi j'aimerais au bras en avoir une,
Je m'exalte, j'oublie... et j'aperçois soudain
L'ombre de mon profil sur le mur du jardin !
LE BRET, ému.
Mon ami !...
CYRANO
Mon ami, j'ai de mauvaises heures !
De me sentir si laid, parfois, tout seul...
LE BRET, vivement, lui prenant la main.
Tu pleures ?
CYRANO
Ah non, cela, jamais ! Non ce serait trop laid,
Si le long de ce nez une larme coulait !
Je ne laisserai pas, tant que j'en serai maître,
La divine beauté des larmes se commettre
Avec tant de laideur grossière !... Vois-tu bien,
Les larmes, il n'est rien de plus sublime, rien.
Et je ne voudrais pas qu'excitant la risée,
Une seule, par moi, fût ridiculisée !...
LE BRET
Va, ne t'attriste pas ! l'amour n'est que hasard !

couverture
Éditions Librio 2 €uros - 186 pages