Floyd Patterson lui, vit en Ontario dans une maison isolée au milieu de la glace. Le jour il chasse le caribou, la nuit il plante ses flèches dans le mur de sa chambre.
Deux quadragénaires que tout sépare, deux hommes reliés par la même femme.
Sur cette terre du bout du monde, dans l'immobilité du grand nord, chacun va se regarder dans le miroir des lacs gelés puis se découvrir à travers l'autre.
Après le silence étouffé d'un paysage enneigé, ils devront affronter la violence de la tempête et leurs fantômes respectifs.
Comme dans Les poissons me regardent, j'ai retrouvé dans ce roman la façon dont Jean-Paul Dubois réussit à mettre en lumière les relations masculines. Ce mélange de rivalité, d'entre-aide et de non-dits. Ces hommes entre eux laissent les silences s'installer, occuper tous l'espace. Et pourtant la relation se tisse bien plus sûrement que dans le brouhaha des propos futiles.
Et cette nature, insoumise, excessive, est vraiment le troisième personnage de ce roman. À l'image de la figure féminine absente, elle contraint ces deux hommes à la solitude et à l'enfermement. Jean-Paul Dubois tisse peu à peu les mailles du filet.
De ce huis-clos oppressant, Jean-Paul Dubois s'amuse à brouiller les pistes et le lecteur, tout à coup, passe du statut de traqueur à celui de gibier. Ou comment se faire surprendre dans les dernières pages du roman.
Je garderai de cette lecture cette impression de sons étouffés, cette amitié-rivalité un peu brute et ambiguë, cette force démesurée de la nature.
Lire aussi l'avis de Florinette
Du même auteur :Les poissons me regardent et Vous plaisantez, Monsieur Tanner
Extrait :
Il avait dormi à Montréal dans le sinistre Best Western situé en face de l'aéroport. Au petit matin, il avait pris un bimoteur à hélices qui l'avait amené à North Bay. L'aéroport était tout petit et n'était équipé d'aucune passerelle. On descendait de l'avion par une échelle pour traverser à pied le tarmac et se rendre dans le hall. Durant ce bref trajet, Hasselbank fit connaissance avec ce froid coupant comme du verre dont il allait désormais devoir s'accommoder. À chaque inspiration, il avait l'impression d'inhaler une forte quantité de menthol qui lui brûlait les bronches. Le paysage était d'une grande banalité - un camion de pompiers, un véhicule pousseur, de petites camionnettes équipées au gaz pour tracter les remorques transportant les bagages, un agent de piste en bottes et anorak, une hôtesse en pantalon, le visage couvert d'un châle de laine-, et pourtant Hasselbank détaillait ce tableau comme si chaque élément pouvait être porteur d'un indice susceptible de l'aider dans sa quête. Étaient-ce le froid, les effets de la latitude? Il lui semblait que la lumière rendrait les choses et les êtres plus limpides, plus authentiques.
Éditions de l'Olivier - 240 pages
Commentaires
mercredi 17 février 2010 à 18h21
Bizarrement, ce "Hommes entre eux" m'a déçue. Est-ce un roman masculin ? Je l'ai fait lire à deux hommes qui eux l'ont apprécié. Moi je ne suis pas rentrée dans cette histoire. Dommage parce que j'étais restée sur une très bonne impression de "Une vie française" : le meilleur de Dubois à mon avis. Si j'ai un peu de temps, je le chroniquerai un jour
mercredi 24 février 2010 à 13h41
Merci Alice-Ange pour cette remontée de billet ! Je me rends compte que mon billet était vraiment succinct mais je suppose que l'approche de l'été m'encourageait à la distraction...
Pour une chronique d'Une vie française, j'accepte ta proposition avec plaisir. 