Ce roman est une transcription directe de ce que l’écrivain observe avec une acuité comme peu de personne use. J’ai aimé encore ce regard-là, profondément humain, plein d’amour, de générosité et de lucidité aussi.
De l’Afrique toujours aussi envoûtante à l’Amérique du Sud, aride et dure, entre ses déserts, ses pics volcaniques ou cette Amazonie si mystérieuse, dangereuse, Bernard Giraudeau nous livre, avec sa sensibilité à fleur de peau, la vision de ses mondes, celui intérieur et celui qui l’entoure. Il nous montre cette Terre, ce Monde pour qui il veut écrire une lettre.

Son écriture est toujours aussi envoûtante, poétique, crue parfois. Son humanité, sa musique intérieure est propice aux voyages, aux rêves, aux questionnements. C’est un très beau livre qui vous tient par le cœur, les entrailles.

Bernard Giraudeau est plus qu’un acteur et un cinéaste de talent. C’est aussi un véritable écrivain. Et je suis définitivement sous le charme.

Du même auteur : Les hommes à terre

Dédale

Extrait :

J’ai continué à grandir sans elle, bien sûr, avec ce don qu’elle m’avait fait dès l’enfance de cette découverte sans cesse renouvelée de l’amour. Tout au long de ma vie j’ai aimé les nuques déliées, les femmes comme des gerbes et le secret des graines dans les épis. Elle m’a éveillé petit, et initié à vingt ans. Elle s’est prolongée en moi jusqu’à ce jour. J’ai gardé de l’enfance, et d’Amélie, ils sont liés, l’amour de l’inconnu à défricher, avec la peur au ventre comme une jouissance. Ce n’est pas l’amour de l’exotisme comme dit Le Clézio, les enfants n’ont pas ce vice. Non, c’est le bonheur immédiat, sensuel, d’une ruelle de village africain, ou andin, c’est de respirer des parfums étranges et parfois reconnus, humer comme l’étalon les vastes plaines, attaquer les pentes montagneuses sous les nuées, c’est la menthe sauvage au petit matin, le thym écrasé, l’herbe fraîche à peine fauchée. J’ai gardé ce plaisir à rejoindre aux premières lueurs les landes fumeuses, les bords de mer encore mauves abandonnées par les hordes humaines. J’aime les silhouettes des arbres, l’élégance des ramures au milieu des prairies, les ombres sur les dunes sahariennes, les villages flottants sur les lacs cambodgiens. Je donnerais toutes les suites du Carlton pour un bivouac et un feu de bois sec, pour de l’eau fraîche au creux des mains à faire ruisseler sur le torse nu, pour les frissons de bonheur aux premières lueurs. Rien n’effacera sur les bancs de l’école l’attente rêveuse du dimanche à venir avec la promesse d’une immersion aux premières odeurs, retrouver les copains aux foulards bleus pour tailler des bois verts et allumer des écorces.

couverture
Éditions Métailié – 250 pages