Tout commence par le voyage en avion. Elle n'est pas encore partie que l'épreuve lui semble déjà insurmontable. Ses angoisses et phobies refont surface mais elle réussit pour un temps à les faire taire.
Arrivée à Sarajevo, notre exilée réalise tout ce qu'inclut ce séjour : les fantômes ressurgissent à chaque coin de rues, chaque odeur...
Les pensées et les souvenirs s'entremêlent, souvent paradoxaux : l'Albanie, cette terre racine qu'elle a fui; les promesses non-tenues de cet occident capitaliste tant convoité. Aujourd'hui, c'est elle l'étrangère que l'on scrute avec envie et défiance.

Ce court roman évoque parfaitement les sentiments ambigus de celui qui a quitté les siens pour l'étranger fantasmé.
Et pourtant, j'ai bien cru que j'allais abandonner ma lecture à la moitié tant j'ai eu du mal à pénétrer l'univers d'Ornela Vorpsi.
Je reste donc très mitigée, et je pense que je tenterai de lire un autre de ses romans pour me faire une idée un peu plus juste de cette auteure.

Je tiens par ailleurs à souligner le magnifique travail d'Actes Sud : chacun des livres paru chez eux, est un petit bijou. Les illustrations pleines pages de leurs couvertures sont toujours choisies avec un goût certain, et attisent systématiquement, ou presque, ma curiosité de lectrice. Car c'est bien la couverture de ce livre qui m'a attirée. La photo est splendide, et on s'imagine déjà mille et une histoires avant d'avoir commencé sa lecture.

Voir aussi l'avis de Clarabel

Extrait :

Je voulais me dominer : Meurs donc, puisque c'est ton destin : J'espérais me donner du courage ainsi, je gravissais les marches menant à l'avion. Je me surprenais, dans cette suspension terrible qui m'oblige à être assise, immobile et muette, à épier l'anxiété des passagers, ou à traquer un autre signe de catastrophe imminente. À scruter le visage des hôtesses pour savoir si l'apocalypse aura lieu maintenant, tout de suite, ou si j'ai encore un peu de répit. À boire de l'eau, à aller de temps en temps aux toilettes sous prétexte de me dégourdir les jambes. (Je me rappelle avoir lu dans un quotidien,qu'une fille est morte en plein vol pour la simple raison qu'elle n'avait pas pensé à se dégourdir les jambes : sa jeune chair s'est abondonnée à la paresse au point de renoncer à tout mouvement. Ses voisins ne s'aperçurent de rien, ils comprirent qu'elle était morte en constatant qu'elle était la seule à refuser de quitter l'avion. Le corps, ce traître !).

J'agrippais les accoudoirs de mon siège avare d'espace. J'étais sur le qui-vive.

Il m'étais interdit de dormir : si je dormais, l'avion tomberait. C'était sûr. Une providence totalement inconnue et tue me l'ordonnait :

"Que tous tes sens soient en éveil ! Tous tes sens!"

couverture
Éditions Actes Sud - 117 pages