En 1850, Elizabeth Escridge débarque avec sa mère chez des parents de Géorgie qui les recueillent suite au décès de son père. Elle a 16 ans, à la fois fière et innocente, et elle se retrouve noyée dans cette populeuse famille Hargrove, dans la plantation de Dimwood, où se commence ce qui sera sans doute une des plus longue année de sa vie. Elizabeth connaîtra Savannah, et ensuite la Virginie où l’amènera son tuteur, Charlie Jones, un ami de la famille. À travers cette traversée d’une Amérique inquiète devant le grondement des canons qui se réchauffent avant la guerre de Sécession, Elizabeth deviendra une femme, rencontrera l’amour, découvrira la séduction et le désir, ainsi que les limites de cette société puritaine dans laquelle elle évolue. Elle finira par épouser Ned Jones, le fils de son tuteur, sans jamais oublier son premier amour, l’insaisissable et cruel Jonathan Armstrong, que tout le monde autour d’elle associe au diable.

Comme tous les ouvrages de Julien Green celui-ci est teinté de mysticisme, d’une préoccupation pour la lutte entre le bien et le mal qui se traduit dans des personnages complexes à la psychologie fine, toute en nuances. La trame politique est très présente (un vrai cours d’histoire des Etats-Unis !) et la question de l’esclavagisme et de la guerre de sécession est abordée de façon frontale. Le livre s’attaque d’ailleurs à ce mythe très répandu aujourd’hui du «bon Nord anti-esclavagiste», le Nord étant surtout à l’époque dans un développement industriel massif où la présence d’un cheap labor comme des esclaves libérés ne pouvait qu’être économiquement rentable. Les trames psychologiques cohérentes et complexes et le maillage avec la situation politique sont sans doute les deux grandes qualités de ce roman. C’est aussi un livre qui s’appuie sur les secrets de famille, ce qui me passionne toujours. Malheureusement, l’arbre généalogique en fin d’ouvrage m’avait donné trop de clés et même permit de prédire la fin.

Le rythme de ce roman est aussi très particulier. Les 1000 pages couvrent une année dont les 400 premières pages couvrent à peine une semaine. Difficile à croire, pourtant on ne s’ennuie pas vraiment. En fait j’ai plongé dans ce livre qui m’a complètement absorbée même si j’ai été agacée par certains aspects : le ton trop classique et certaines incohérences d’énigme (dans la première moitié du livre, la petite Hilda est bien intrigante et on pressent que quelque chose en elle a souffert énormément, mais elle finit par disparaître complètement de l’ouvrage et on n’en a plus de nouvelles). De plus je suis très irritable pour certains détails comme le fait qu’au début du roman, les tantes d’Elizabeth vouvoient leurs enfants… quand elles les tutoient tout au long du roman ! Bon ceci dit, il y a aussi quelque chose d’un peu exagérément mélodramatique dans tout ce récit. Mais j’ai quand même mis la suite, Les étoiles du Sud, bien haut placée dans ma liste à lire… pour un autre moment où j’aurai besoin de m’oublier dans la vie d’une autre, bien loin de la mienne.

Du même auteur : Les étoiles du sud et Dixie

Par Catherine

Extrait :

Un instant plus tard elle était dans la rue et montait dans l’élégant cabriolet noir. Assise à côté de Charlie Jones, coiffé d’un superbe panama, elle se sentit heureuse comme d’une escapade. La gaieté de son compatriote lui fit oublier les angoisses de la nuit, et elle se récria d’admiration devant les rangées de maisons aux briques d’un rouge éteint sur lesquelles les sycomores jetaient leurs ombres sans cesse curieuses. Avec leurs hautes fenêtres et la simplicité de leurs lignes, les vieilles demeures gardaient la dignité un peu sévère des premiers colonisateurs. Pour la première fois Elizabeth eut une vue intuitive de l’âme du Sud rebelle à toute tentative de définition, inintelligible à jamais au monde extérieur. Elle en éprouva une émotion singulière, aussi subite qu’un élan d’amour, mais confuse

couverture
Éditions Points Roman - 1037 pages