À la fin du premier tome, Elizabeth, jeune mère du petit Ned vivait dans une maison à Savannah, veuve après la mort tragique de son tout jeune mari. Au début de ce deuxième tome, on retrouve Elizabeth, toujours seule, s’étant recréé une vie autour de son enfant avec qui elle entretient une relation fusionnelle autour d’un secret : lorsqu’ils sont seuls, elle l’appelle Jonathan du nom de son grand amour maudit. Mais petit à petit le passé reviendra vers elle, sous les traits de la famille Hargrove avec qui elle avait coupé les ponts depuis quelques années, sous les traits de Miss Llewelyn, la gouvernante indispensable mais imbuvable, sous les traits de Billy surtout qu’Elizabeth a connu en arrivant en Amérique et qui deviendra son deuxième mari. En parallèle la paix est de plus en plus fragile et la sécession gronde.

Il s’agit d’un deuxième tome et même si la trame peut être compréhensible sans avoir lu le premier, je ne le suggérerais pas. Ce deuxième tome est un étrange ouvrage moins bien balancé que le premier. L’importance de la politique et de l’histoire est augmentée et on sent comme jamais qu’Elizabeth est un prétexte pour raconter l’histoire du Sud des Etats-Unis. Or, dans ce cas, pourquoi avoir choisi une héroïne complètement apolitique, qui finit par être exaspérante à force d’être superficielle, préoccupée uniquement par son apparence, ses amours, son désir, ses souvenirs, s’excluant complètement des préoccupations humanitaires et politiques de son époque ? De plus, j’ajouterais qu’il y a quelque chose d'agaçant dans ces histoires où TOUS les hommes sont amoureux de l’héroïne. Un peu de mesure en tout permet parfois de faire vivre une émotion que l’exagération tue. Finalement, c’est ma bête noire mais il y a dans ces livres une série d’incohérence. Je pense même que Billy change de couleur de cheveux à un moment… mais je n’ai pas su retrouver où dans les 900 pages ! Et on ne cesse de dire qu’Annabel est quand même très belle derrière ses rides ! Mais Annabel a… 32 ans !

Malgré tout, ces histoires de secret familiaux vous happent et vous ne savez plus en sortir. Le plus intéressant de ce tome est le passage qui dans un flashback nous ramène vers Haïti en 1824 pendant l’insurrection. Malgré tout, je vais lire le troisième tome, mais je me dis que je devrai lire autre chose de Julien Green car ce n’est sûrement pas ces romans qui lui ont fait la réputation que l’on sait !

Du même auteur : Les pays lointains et Dixie

Par Catherine

Extrait :

Depuis son arrivée dans la maison, Miss Llewelyn occupait la chambre de Celina, sauvée de prison par sa fuite. La pièce était plaisante, meublée avec un goût dans le style colonial du début du siècle : un lit à colonnes de bois noir, un vaste fauteuil à bascule, une table de toilette. Une grande glace dans un cadre d’acajou donnait de la profondeur à cette pièce un peu exiguë. La fenêtre s’ouvrait non sur le jardin, comme l’eût souhaité la Galloise, mais sur le square bordé de sycomores. Ce fut dans ce décor, d’une banalité classique, que Maisie Llewelyn essaya de mettre de l’ordre dans ses idées. Plus que tout la troublait le changement survenu chez le petit Ned depuis qu’elle l’avait vu jouant sur le tapis aux pieds de sa mère. L’enfant zézayant et rieur aux gestes de bébé était devenu un visionnaire plein de fantaisies inquiétantes. Sa mère avait installé dans sa jeune vie la présence de l’homme qu’elle avait aimé. Ned se prenait pour un autre. Il y avait de quoi lui faire perdre la raison. Elle s’interrogea longuement sur la conduite à suivre. La naissance d’un frère ou d’une sœur redresserait peut-être la situation. Pour la première fois de sa vie, elle connut la perplexité d’une âme face à un destin dont le sens lui échappait.

couverture
Éditions Points - 871 pages