Il lui raconte les femmes, la drogue, la boxe, les tournées de son groupe de musique et l'Afrique, belle et insoumise.
Comme dans son premier roman, Richard Bohringer se joue de la syntaxe. Il interrompt brutalement ses phrases, laissant le soin au lecteur de combler les vides. Il y a ainsi des silences qui éclaboussent les pages et qui créent des pauses dans le torrent des mots. Comme Richard Bohringer le dit-lui même, il n'est pas un gars de la syntaxe [il est] de la syncope. Du bouleversement ultime. [il se] fout du verbe et de son complément. Faut pas faire le malin avec les mots. Faut les aimer. Ça file du bonheur, les mots.

Oui, assurément, les mots de Bohringer filent du bonheur, mais un bonheur déconcertant, un peu abrupte, parfois proche du précipice.
Pourtant, l'ouragan du premier roman semble s'être assagi, et c'est au bord intime d'une rivière au calme apparent qu'il nous invite à écouter sa poésie. Le flot des mots est plus fluide, plus maîtrisé; la beauté et la violence des images toujours aussi surprenantes.
Voir l'Afrique à travers les yeux de Bohringer c'est découvrir une amazone tentatrice et fascinante.

Entre poésie et autobiographie, le récit d'un homme qui se consume.

Du même auteur : C'est beau une ville la nuit, L'ultime conviction du désir et Carnet du Sénégal
Voir aussi L'interview accordée à Biblioblog

Extrait :

Je voulais remonter les rivières, me perdre dans le vert. Je voulais le silence aussi. Le bord intime des rivières. Le bord du ventre des femmes. L'ombre divine. La peau, turbulence de l'âme. Vouloir voir. Et toucher. Vite. Comme une brûlure. Avant d'être aveugle. Je voulais toutes les voir. Surprendre leur corps. Je voulais voir les femmes. Les voir se laver les seins. Ne jamais oublier chaque instant de la féminité. Les fille le savaient. Elles savaient que je n'étais qu'à elles, qu'à leur désir perdu. Tant l'étonnement de mes mains sur leur corps les rendait gourmandes. Je voulais qu'elles m'apprennent leur violence. Je voulais apprendre encore et écrire encore. Fixer. Avoir fini avant la fin. Lutter. Reprendre son souffle. Repartir. Un peu plus sûr. Toujours fragile. L'eau, la nuit, sans les tuyaux. Écouter sur le bord du grand fleuve. Gonzesse de la haute. Les chevaux ont chaud. Le soleil cogne. Blanc. Les hommes rêvent de lambaba. Les femmes font la lessive. Moi je crois. La rivière est là. Nonchalante dans l'après-midi. Algue. Sans force.

Phrases préférées :

Je voudrais jamais dormir. J'aime trop faire. J'ai pas assez de temps. Bientôt je serai vieux. Alors je pousse des pieds. Je m'arc-boute. J'expulse. Je crache departout. Vite y'a le feu. Y'a la vie qui fout le camp.

Paulo, tu te souviens. À croire que rien ne pouvait nous faire du mal une fois qu'on était là. Une planque à cicatrices.

Emmène-moi dans le village, là où maman est née. Là où le léopard dort dans les bras du boa. Où les femmes ont des robes qui ressemblent à des soleils fous. Elles nous feront des signes de sous leurs ombrelles faites de plumes de paon. Et les messieurs qui les tiennent par le bras nous feront des sourires d'ivoire en nous montrant du doigt le cimetière des grand éléphants.
Emmène-moi dans le village, là où maman est née, là où papa est un sage.

Quand j'écris poisson, je voudrais qu'il y ait de la couleur.
Les mots, arriver à les foute sur papier. Y'a des fois en pleine trajectoire, à fond la caisse dans la phrase, t'éclates, tu déjantes, et cette foutue phrase cahote dans l'herbage pour finir comme une conne loin du rivage.
Je pars en voyage. Devant mon clavier. Mon bel ordinateur mémoire. Ma boîtes à songes. Ma belle gonzesse obsédante. J'irai au hasard de l'animateur. L'organisateur sans visage.

couverture
Éditions Folio – 120 pages