Le rythme est effréné, télégraphique. On ressent l'avidité de tout nous dire avant d'oublier certains détails : la colère contre l'hypocrisie d'un Paris-Dakar, le partage avec les habitants, l'admiration face à l'immensité et la violence de mère-nature. Sans oublier sa tribu, son ancre : ses enfants, bien sûr, et plus particulièrement Mathieu, son alter-ego dans ce désir d'ailleurs; ses compagnons d'en-bas, et ceux d'en-haut qui sont partis trop vite.

Au milieu de ce déluge, soudain, la fulgurance de certaines images à la poésie saisissante.
Loin des cartes postales, Richard Bohringer, le Sénégalais Blanc, vit l'Afrique. Ou plus exactement l'Afrique exalte à travers lui. Il n'est pas question ici d'un carnet de voyage d'un toubab, mais de la déclaration d'amour d'un fils à la mère l'Afrique.
La désespérance est moins tenace, le désir et l'émerveillement plus acharnés, et la rage de vivre intacte. Pourtant, cet opus est sûrement celui que j'ai le moins aimé. Mais en même temps je ne saurais trop vous expliquer pourquoi. Il est parfois difficile d'analyser son attachement ou non à un texte poétique.

Du même auteur : C'est beau une ville la nuit, Le bord intime des rivières et Carnet du Sénégal
Voir aussi L'interview accordée à Biblioblog

Extrait :

Toujours la tête dans les poèmes oubliés.
L'écriture ne guérit pas. Juste des béquilles. Jusqu'au mot de la fin. Jusqu'au dernier mot. Jusqu'au dernier souffle.
J'ai été élevé au romanesque. Au péril de la vie physique et mentale.
Dans un bar perdu du Mexique, seul, à boire de la tequila. Dans la tête, le souvenir obsédant de celle qui l'avait détruit. Avec un cerf-volant.
Soixante trois ans. Vouloir la vie comme si j'en avais trente. Un sac à dos épuisant. Des bouts de santé qui foutent le camp. Être au mieux avec la mémoire. En couleurs ou noir et blanc. Selon le bouleversement.
Toi qui lis ce bouquin, j'écris le désir de la vie. Écrire à toutes pompes. Comme un fou. Ne pas savoir où aller. Se perdre. Me réfugier.
Prendre la machine dans ses bras. S'abriter derrière le clavier.
Écrire. Les torrents, les bateaux au bout du monde, les fleuves, les grandes marées, les prémonitions, les ombres, la discutation humaine, la palabre. L'envie de se raconter l'autre.
L'ultime conviction du désir.
On mourra pas et si on meurt tant pis.
Oublie que je t'aime.

couverture
Éditions J'ai Lu – 126 pages