Arun est un habitant de la capitale d’une île imaginaire, quelque part dans l’Océan indien. Cette île est divisée par un fossé social entre les habitants du Nord (favorisés) et ceux du Sud. À 21 ans, après la mort tragique de ses parents dans l’explosion d’un avion, Arun décide de devenir instituteur dans un village perdu du Sud, région coincée dans la violence entre l’armée et les Boys, groupe révolutionnaire qui dit défendre l’honneur des habitants du Sud par des actes terroristes.
Arun débarque à Omeara avec la conviction que sa tâche lui suffira et qu’il saura se situer au-dessus de la violence. Impartial. Il fera des rencontres importantes : Seth le militaire, Kumarsingh le visionnaire, M. Jaisaram et sa fille Anjani, les enfants de l’école, pour la plupart handicapés et les militaires auxquels il enseigne aussi. Ce livre est celui d’un choc culturel, mais aussi d’une remise en question de valeurs. Même un regard bienveillant du Nord sur le Sud garde toujours des accents de paternalisme. Et Arun, entre quelques drames et quelques explosions, le comprendra. Qui est seulement assez fort pour nager au-dessus de la violence sans se mouiller ?
Neil Bissoondath est un auteur québécois d’origine trinidadienne dont les romans écrits en anglais sont traduits. Très reconnu pour la qualité de sa plume et la justesse de ses réflexions, il enseigne la littérature à l’Université Laval. En fermant ce livre j’étais ambivalente. Je n’avais rien vu venir des 70 dernières pages et juste pour ça : chapeau ! Je suis impitoyable sur ces choses et une lectrice difficile à surprendre. Le livre est bien écrit, très descriptif mais très juste, très précis dans l’émotion, dans la psychologie et dans le décor. Je m’inquiétais surtout de la chute : est-ce que l’auteur prend parti finalement dans cette violence ? est-ce qu’il n’y a pas un danger de justifier l’injustifiable ? Après une nuit de sommeil, j’ai la conviction que ce n’est pas le cas. Neil Bissoondath pose la question difficile que je soulignais plus tôt : qui peut s’extraire du typhon de la violence ? Loin des charniers de ce monde nous nous sentons généralement assez fort pour croire que rien ne nous pousserait à des excès. Et pourtant, qu’en savons-nous ?
Un livre difficile mais qui pose des questions incontournables.
Du même auteur : Un baume pour le cœur, Tous ces mondes en elle
Par Catherine
Extrait :
La mer était calme, la brise légère et saline, l’horizon embrouillé par des nuages qui, à l’approche du soir, grandiraient et s’épaissiraient, effaçant la moitié du ciel. Tôt ce matin-là, un soldat avait livré à Arun un mot dactylographié de la part de Seth. Les cours au camp étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre. Sous sa signature officielle, Seth avait griffonné quelques mots à la hâte : deux des élèves d’Arun, dont le soldat Mukherjee, l’homme aux ambitions modestes, étaient morts, ce qui semblait confirmer les rumeurs voulant que des combats se déroulent dans les montagnes.
Anjani écarta les doigts de sa main gauche.
- Il paraît qu’on lui a enfoncé de grosses aiguilles dans les ongles ?
- Des aiguilles ?
Arun s’était souvenu au dernier instant d’ajouter un point d’interrogation à sa réponse.
- Il avait aussi un gros clou dans le cœur.
Éditions Phébus - 368 pages
Commentaires
mercredi 1 août 2007 à 09h37
Ton billet me fait penser à un livre que j'ai lu récemment : Au bonheur des sphères de Rezvani.
Ils sont difficiles ces romans qui nous secouent de l'intérieur. On en sort le souffle coupé, un peu le coeur au bord des lèvres... et pourtant, on sait que leur lecture nous a grandi. Un sentiment de malaise étrange...
mercredi 1 août 2007 à 09h45
Je ne connaissais pas ce titre de Bissoondath mais je crois que je vais passer mon tour car ce n'est pas un thème que j'affectionne
Une chose est sûre, tu exprimes très bien tes tourments !
jeudi 20 septembre 2007 à 15h52
Ce roman porte sur la guerre civile. L'auteur démontre que l'on ne peut rester neutre quand un conflit intérieur déchire son pays. Le héros est donc amené à prendre position et à participer au combat. On comprend avec cette oeuvre comment les jeunes au grand coeur peuvent devenir des terroristes. Excellent roman, mais sa traduction en français est pitoyable.
vendredi 26 octobre 2007 à 22h57
je suis assez peplexe après la lecture de ce livre. Il faut du temps pour le lire, on est pris dans une ambiance glauque et ensevelissante. La vie est rude là bas, lente, impression de marcher dans la boue, la boue de la terre et la boue des âmes. La fin est très forte ! le héros est attachant et déconcertant, tout le monde semble handicapé physiquement ou moralement. Le personnage de la mère muette est très très fort. Ce livre, c'est une ambiance ! Mais.. pourquoi ce titre ?