Ce petit préambule achevé, venons en au récit d’Anne Walter.
La narratrice, après avoir tenté de mettre fin à ses jours, part sur les traces de L.H., auteur du début du 20°, pour comprendre ses propres attirances suicidaires.
L.H. mort en 1913, écrasé par un train au Canada. L.H. ancien compagnon d’Eliza, happée par un tram quelques mois auparavant. L.H. qui avait laissé ses dernières pensées dans un carnet que la narratrice a retrouvé des années plus tard dans les affaires d’une jeune femme qui venait de se jeter sous le métro….
Trois morts violentes et une survivante qui part à leur recherche au Canada.

Là-bas, elle rencontre Lewis et l’on ne sait pas très bien s’il s’agit du fantôme fantasmé de L.H., d’un étudiant ou d’un prédateur.
Bientôt passé et présent se mélangent. Comment différencier le rêve de la réalité ?

L’écriture d’Anne Walter est fragmentée, elliptique. Elle avance par touches décousues. Ce labyrinthe de pensées fugaces est parfois difficile à suivre.

Sur la quatrième de couverture, l’éditeur nous annonce « Cent pages bruissantes de jouissances et de souffrances », « Un superbe livre de femme où l’intimité de la passion s’exprime avec plénitude dans la transparence de la narration. Un grand moment de bonheur littéraire. »
J’aurais aimé partager le même enthousiasme. Tout cela est d’ailleurs joliment dit. Mais cela n’aura été malheureusement qu’un petit livre vite avalé.

Extrait :

- Bien ! dit Ginette voyant la tarte au citron.
Une femme entre deux âges, avec un chignon mal retenu par un peigne, nous verse le thé.
- On déjeune ensemble demain. Tu vas connaître un de mes amis, pour qu’il te montre la ville.
Oui, mais je me sens fatiguée. L’averse a cessé. Je lui demande…
- Pour ça, pas de chance, avoue Ginette. L’hôtel est complet, pris par un congrès. Tu l’aurais aimé. Quant à la maison…
Elle hésite. Je le tends la bonne excuse.
- Tu as ton ami !
- Il va te plaire, vous vous entendrez…
- Une autre fois, ai-je répondu.
Je la vois soulagée.
- Tout ira bien, dit en en désignant les maisons « classées ». On préserve enfin le patrimoine.
Bon, alors ?
- Par chance une collègue absente pour l’hiver me cède…
- Laquelle ?
Eh oui, la bleue ! Inespéré. Vivre ici, flâner.
- Mais la vie continue, riposte Ginette qui doit filer.
Je l’entends qui soupire sur le sienne, morcelée.
- Ne sors pas le soir, ne va pas te perdre ! me dit-elle. Tu es au carré Saint-Louis.
Ultime effort : elle m’ouvre les serrures doubles et pousse le battant qui grince.
- Va dîner à la crêperie, dit-elle
- A ma montre il est déjà deux heures et je vais dormir.
- Tu crois ?
Je la pousse vers le seuil et referme, soulagée. Enfin seules, ma fatigue et moi. Harassée par des bouts de sommeil heurtés, incohérents. On ne peut dormir entre deux mondes ni dans l’avion. On ne peut s’accrocher au rêve : il vous expulse d’un coup.
Traînant mon sac sur le carrelage, une expression me revient, tirée je crois de l’Apocalypse : Le petit livre avalé
On ravale aussi des larmes, tant qu’on peut.

couverture
Éditions Actes Sud – 113 pages