Elle finit par se marier par raison avec un veuf et surtout pas par amour ! L’amour, le vrai, elle va le rencontrer sur le continent, où elle va soigner son Mal des pierres (calculs rénaux), avec le Rescapé. Cette rencontre va laisser une marque indélébile.

De retour chez elle, la vie reprendra son cours, un fils va naître. Mais cette vie vaut-elle d’être vécue si l’amour idéal – « qui est la chose la plus belle, la seule qui vaille la peine qu’on vive une vie.. » - est ailleurs ? La petite-fille va nous égrener les souvenirs, les émotions, ses zones d’ombres, de sa grand-mère, de son grand-père, personnage tout aussi attachant avec son amour qu’il ne dira jamais, des autres membres de cette famille peu ordinaire. Rudes, âpres, mais beau comme cette Sardaigne de pierres. Mais la vérité était-elle toujours celle que l’on attend ? Le tout dernier chapitre surprend au plus au point. La jolie pirouette de l’auteure nous oblige à tout reconsidérer sous un autre angle. J’aime bien cette idée.

Ce livre est un petit bijou, une petite sucrerie que l’on savoure tout doucement même si les émotions, les sentiments sont plus mouvementés. L’auteur use d’une liberté de ton étonnante comme un contre-point aux rigueurs, aux contraintes de la société sarde. Cette langue coule comme un ru en plein été, qui roule les cailloux et les polit à sa façon. C’est bon, doux, juste.

A lire, à savourer, à partager, à offrir comme autant de petits cailloux de bonheur.

Merci à Bernard pour cette jolie découverte.

Du même auteur : Battement d'ailes et Mon voisin

Dédale

Extrait :

Parfois, j’ai pensé que le Rescapé n’aimait pas grand-mère. Il ne lui avait pas donné son adresse, il savait où elle habitait et il ne lui avait jamais envoyé ne fût-ce qu’une carte postale, quitte à la signer d’un prénom féminin, grand-mère aurait reconnu son écriture grâce aux poèmes qu’elle avait gardés. Le Rescapé ne voulait pas la revoir. Lui aussi avait pensé qu’elle était dérangée, il avait eu peur de la trouver un jour sur les marches de son appartement ou dans la cour, l’attendant par n’importe quel temps, sous la pluie, dans le brouillard, ou toute en sueur par un de ces étés milanais étouffants, sans vent. Ou plutôt non. C’était peut-être vraiment de l’amour, il ne voulait pas qu’elle commette la folie de quitter son monde pour lui. Alors pourquoi se manifester, et tout gâcher ? Se présenter à elle, et lui dire : « Me voici, je suis la vie que tu aurais pu vivre et que tu n’as pas vécue. » Et la mettre à la torture, pauvre femme. Comme si elle n’avait pas assez souffert, dans ce grenier là-bas, quand elle s’était tailladé les bras et les cheveux ou dans le puits, ou quand elle gardait les yeux rivés sur le portail, ces fameux mercredis. Pour faire un tel sacrifice, disparaître pour le bien de l’autre, il faut l’aimer vraiment.

couverture
Éditions Liana Levi – 2006 – 124 pages.
Traduit de l’italien par Dominique Vittoz