Bone – notre Chappie transformé depuis un tatouage de deux os croisés sur le bras - manifeste pourtant un fond de bon sens et sa capacité à mentir de bonne foi, lui permet d’échapper bien souvent de la dégringolade totale. Il cherche avant tout à rencontrer des personnes dignes de confiance et d'amitié. Ce qui semble être une quête pas si évidente que cela dans cette Amérique. On se demande s’il va pouvoir s’en sortir.

Et puis un jour, Bone rencontre I-Man, un vieux rastafari et la petite Rose. Plus tard, il partira avec I-Man à la Jamaïque. Et ce sont de nouvelles aventures vécues dans les fumées de l’herbe. Il n’en reste pas moins que Bone reste un gamin perdu. Et ce n’est pas ses retrouvailles avec son vrai père qui vont le sortir de la loose.

Je dois avouer qu’il m’a fallu m’y reprendre à deux fois avant d’accrocher à cette histoire. A la première lecture, je me suis ennuyée ferme au point de vouloir abandonnée ce roman. Je n’aime pas trop les road-movie. Malgré tout cela, la seconde tentative a été la bonne. Ce devait juste être une question de moment. Le déclic a eu lieu. Le talent de Russel Banks a encore opéré. Comme toujours, l’auteur a l’art de se glisser dans la personnalité de ses personnages. Je me suis attachée au sort de Bone, d’I-Man et de Rose.

Une très bonne lecture finalement. Mais ciel comme ces vies sont tristes ! Quel pessimisme dans cette appréciation de la société américaine où si vous n’êtes pas riches, rien de bon ne peut vous arriver. Une lecture qui donne vraiment matière à réflexions. Encore un bon point pour Russel Banks.

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Du même auteur : De beaux lendemains, Le pourfendeur de nuages, American Darling, Trailerpark et L'ange sur le toit

Dédale

Extrait :

Il faisait encore jour assez tard parce qu’on arrivait à la fin de juin, et le soir, après notre souper, on s’asseyait tous les trois sur les marches du bus en laissant la porte ouverte. Moi et I-Man on s’envoyait alors un gros pétard et on parlait de choses et d’autres. C’était surtout lui qui parlait tandis que moi et Froggy on essayait de comprendre parce qu’il était en quelque sorte notre professeur de vie et nous ses élèves – Froggy, disons en CP ou en maternelle, et moi peut-être en CE2. Entre les sages réflexions de I-Man il y avait de longs silences pendant lesquels on restait tous les trois assis à écouter les grillons et la brise qui bruissait dans les longues herbes, dans les tiges de maïs et dans toutes les plantes du jardin. Nous regardions de soleil se coucher et le ciel virer au rouge comme de la confiture pendant que passaient lentement de fines traînées de nuages argentées et qu’une à une les étoiles apparaissaient dans la voûte bleu foncé au-dessus de nos têtes comme de vrais diamants. Puis la vieille lune montait lentement au-dessus de la crête des arbres dans le lointain, et le champ autour de nous paraissait tellement paisible et veau sous les rayons de la lune qu’il était difficile de croire qu’il n’y avait pas très longtemps de cela je l’avais jugé sinistre, horrible, et que je n’avais eu qu’une envie, le fuir. Maintenant, c’était comme si pour la première fois, dans cette vieille épave de car scolaire, sur ce terrain minable, j’avais trouvé un vrai foyer et une vraie famille.

couverture
Éditions Babel – 438 pages.
Traduit par Pierre Furlan