Nous nous immisçons dans le quotidien de trois enfants et d'une vieille dame. Car contrairement à ce que pourrait nous laisser penser le titre, Kressmann Taylor ne dissèque pas ici les travers masculins mais les faiblesses humaines.
Et ces faiblesse apparaissent avec d'autant plus de cruauté dans le regard des adultes en devenir ou finissant.

Les actions sont réduites au strict minimum et l'essence de ces nouvelles ne réside pas là. Loin d'une quelconque fébrilité, l'écriture de Kressmann Taylor est ample, nostalgique. En quelques phrases, elle arrive à rendre concrète et palpable une atmosphère, des ambiances. On sent la menace peser avant même les premiers indices de l'orage.
Les trois premières nouvelles, celles mettant en scène des enfants ou adolescents, sont empreinte de gravité et de tourments. La famille est oppressante et seule la nature semble proposer un refuge. Les descriptions de la campagne sont d'ailleurs saisissantes.
La dernière nouvelle est tout à fait à part. D'abord elle met en scène une vieille femme, mais surtout, il y a une légèreté et une tendresse absente des 3 récits précédents.

J'ai beaucoup aimé ces histoires intemporelles, et j'ai découvert une auteure talentueuse. Rien n'est plus difficile à mon sens que de rendre tangible une atmosphère et des non-dits. Kressmann Taylor, elle, excelle dans ce registre. Je dois également souligner le choix de la maison d'éditions Autrement, car ces nouvelles semblent avoir été écrites pour former une entité.

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Du même auteur : Ainsi rêvent les femmes, Inconnu à cette adresse

Laurence

Extrait :

L'enfant savait qu'elle allait commencer, cette première belle journée, et il était plein d'espoir lorsqu'ils se dirigèrent vers la maison, son père serrant sa mère contre lui, tandis qu'elle tenait le déplantoir à l'écart dans sa main libre.
Et comme toujours, son père entra le premier pour baisser les stores, car il aimait les pièces sombres et fraîches en été. Sa mère laissait toujours les fenêtres ouvertes, le soleil entrait, promenant le vacillement de sa chaude lumière sur les boiseries foncées, faisant rayonner les rideaux rouges; les lueurs de la fin d'après-midi projetaient leurs paillettes, leur langueur, à travers toute la pièce. Mais quand son père baissait les stores, il s'installait une obscurité sanglante, l'air s'immobilisait, comme si la maison se fermait inexorablement autour d'eux, dans un silence brûlant, liant, dans un crépuscule brun-rouge dont ils ne pourraient jamais sortir, jamais.

couverture
Éditions Autrement - 125 pages