Dans un décor post-apocalyptique, le narrateur continue son travail comme si de rien n'était. Employé de la SANEF, il passe ses journée à son guichet du péage et semble à peine étonné du peu de fréquentation. Quelques voitures par journ pas plus... et chaque conducteur semble ressentir une frayeur atroce. Comme si, là-bas, à l'horizon, se profilait l'horreur la plus absolue.

On comprend peu à peu qu'un Bruit a décimé la race humaine. Ils ne sont que quelques uns à avoir été épargnés sans que l'on sache trop pourquoi.
Et puis, il y a le tableau d'Edvard Munch... volé quelques semaines avant l'apparition du Bruit.

C'est un roman très étrange. Le plus frappant est sans doute l'opposition entre l'apparente apocalypse et la banalité des gestes et pensées du narrateur. Il y a comme une contradiction déconcertante.
Quand il finit par quitter sa guérite pour suivre le tracé blanc sur l'asphalte, on s'attend au pire... et on a raison.

À travers ce court récit Laurent Graff plonge dans nos terreurs intimes et nous offre une parabole édifiante sur la souffrance et le deuil. Les dernières pages ont particulièrement résonné en moi et donnent une nouvelle dimension à tout ce qui précède. Il m'est difficile de vous dire à quel point je trouve ce récit extraordinaire sans vous dévoiler une partie du mystère. Il vous faut lire ce roman pour comprendre à quel point Laurent Graff ne pouvait pas mieux imager le cataclysme dont il nous parle. Sur les dernières phrases, j'étais le narrateur, et je crois que dans sa situation, ma vie se mettrait à ressembler étrangement à la sienne.
Un roman bouleversant dont on ne sort pas indemne.

Lire aussi les avis de Clochette, Solenn et Florinette

Également sur le site, notre interview de Laurent Graff.
Du même auteur : Il ne vous reste qu'une photo à prendre, La vie sur Mars, Il est des nôtres, Les jours heureux, Voyages, voyage, Selon toute vraisemblance

Laurence

Extrait :

Le péagiste qui était hier à mes côtés n'est pas venu ce matin. Dans l'autre sens, vers la province, seuls les cartes paiement et le télépéage sont en service; il n'y a personne en cabine. Pour l'instant ça semble suffire. Je n'ai vu aucun automobiliste bloqué, personne ne s'est plaint. Ma fois, si ça peut continuer comme ça! Il fait dire que l'affluence s'est encore sérieusement réduite. Je n'ai enregistré qu'une cinquantaine de passages. Les visages sont de plus en plus torturés. Une femme était en pleurs et gémissait de douleur. J'ai ouvert la barrière et elle a crié en levant les yeux vers moi : "Aidez-moi, je vous en supplie! C'est insupportable!" Puis elle a poursuivi son chemin.

couverture
Édition Le Dilettante - 122 pages