Le résumé nous laisse présager une intrigue à la Hitchcock : Mike, détective privé à la vie familiale tranquille, se retrouve immobilisé et comme le héros de Fenêtre sur cour, se met à espionner ses voisins...
Sauf que nous sommes très loin du film sus-nommé.

En fait, Mike est une "bobo" blasé. Son quarantième anniversaire, dont il semble se moquer, marque en réalité le début d'une dépression. Dès le début du récit, il paraît totalement à côté de ses pompes et de sa vie. Un lumbago va l'immobiliser quelques jours, suffisamment pour mettre à mal ses certitudes. L'inertie dont il était coutumier va alors céder la place au doute, qui s'insinue comme un poison.
Disposant à nouveau de ces capacités motrices, il commence à espionner sa femme et ses amis en utilisant son arsenal professionnel : planques, visites nocturnes, écoutes téléphoniques ect..
Mais en fouillant les poubelles de son entourage, il ouvre la boîte de Pandore : ce sont ses propres démons qui apparaîtront au grand jour.

"Ce que je sais" n'est absolument pas un roman à "intrigue", comme je le croyais initialement. Il s'agit en fait du cheminement de la pensée d'un homme en pleine crise de la quarantaine. Un homme qui s'est laissé porter par sa femme et ses enfants, sans jamais se poser de questions parce que cela l'arrangeait bien. Mais il se demande à présent si sa vie lui ressemble.
Les vieux fantômes et fantasme refont surface. Mike se met à envier ses amis, suspecte sa femme d'adultère pour pouvoir lui-même y succomber.
J'ai trouvé ce Mike particulièrement antipathique : sans cesse dans la position de victime, il n'assume ni sa vie, ni ses fantasmes. C'est le récit d'un homme lâche et fourbe.
Pour ne rien arranger, le rythme m'a paru affreusement lent et souffrant parfois de répétitions inutiles.

Andrew Cowan n'a donc pas réussi à m'entraîner avec lui, mais il y avait peut-être dès le départ une erreur de casting : quand on croit lire quelque chose, et que l'on trouve son opposé, n'est-on pas forcément déçu?

Extrait :

Tout ce que je connais c'est ce que j'ai, et ce que j'ai me suffit bien, c'est tout ce que j'aurais pu souhaiter. Je suis bien. Ma vie, comme je le dis, n'est pas sur le point de commencer ou de finir ici. Elle n'en est peut-être même pas à son milieu : les hommes mariés, on le sait, vivent plus vieux que les célibataires. À une époque, je trouvais cela encourageant, mais aujourd'hui, j'ai moins de certitudes. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, j'aime vraiment ma femme et elle m'aime, j'en suis sûr, mais je ne saurais prétendre que je trouve la vie que nous menons intéressante. À mes yeux, ce n'est plus une histoire, si tant est que cela ait jamais été le cas. On ne se demande pas si une intrigue va nous être révélée, aucun signe de surprises à venir, et très souvent, il semble bien que la seule possibilité et d'"et maintenant qu'est-ce qui se passe" que nous puissions raisonnablement espérer ne soit une catastrophe de la pire espèce. Pensée qui m'empêche de dormir la nuit, m'inspire de la peur et, je dois l'admettre parfois de l'espoir.

couverture
Éditions Joëlle Losfeld - 280 pages