Après une première phase de sélection, il a deux mois pour se préparer à l'enregistrement qui doit marquer sa victoire : alimentation, préparation mentale et physique, révisions soigneusement programmée, infiltration dans la production... il n'a rien laissé au hasard.
Entre deux, il passe des entretiens d'embauches, frime dans les soirées selectes et laisse le doute l'envahir doucement...
Bertrand Guillot s'attaque ici à deux univers très différents : il y a d'une part ces "gagnants", golden boys que rien n'effraie et qui imaginent le monde à leurs pieds. Ils sont insupportables de certitudes et d'orgueil; condescendants à souhait avec le reste de la plèbe.
Et puis, il y a les coulisses des jeux télés... Bertrand Guillot a jeté son dévolu sur La Cible, animé par Olivier Mine (émission aujourd'hui disparue de l'antenne). Il en dévoile toutes les arcanes : du casting à l'enregistrement en passant par la rédaction des questions.
Le style, très oral, est fluide, rythmé, et la lecture se fait facilement.
Pourtant, je n'ai pas été saisie par le parcours de Jean-Victor. Il est évident que l'auteur s'est documenté et à ce titre, l'ouvrage est une mine d'information, tant sur les jeux télé que sur l'univers déconnecté de nos jeunes loups. Je suppose que les lecteurs intéressés par ces milieux y trouveront leur compte et apprécieront de découvrir, sous la plume de Bertand Guillot, les coulisses de ces deux mondes si opposés. Pour ma part, n'ayant jamais été fasciné ni par l'un, ni par l'autre, j'aurais aimé peut-être une plume plus incisive ou un récit s'éloignant du documentaire. Pour tout dire, il m'a manqué un souffle à tout cela. Mais je ne devais pas être "la cible" de ce roman.
Malgré ces réserves, je trouve que pour un premier roman c'est tout à fait prometteur et si Bertrand Guillot nous propose un décor différent pour son deuxième ouvrage, je crois que je me laisserai tenter.
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Extrait :
La lettre, très courte, se résumait à un plan incompréhensible (être à l'heure au casting devait constituer une sorte d'épreuve préliminaire) et présentait deux questionnaires. Le premier était purement administratif - bienvenue dans les fichiers Grimm. Le second, plus complet, se voulait "destiné à l'animateur". Traduction : tout ce que vous écrivez pourra être retenu contre vous le jour de l'émission.
Le jeu se voulait-il original? En tout cas les questions ne l'étaient pas : "Ce que vous réussissez le mieux dans la vie", "Vos deux plus grandes qualités" (c'est une manie), sans oublier le fameux classique du jeu à la Nagui : "Racontez-nous une anecdote".
J'ai essayé de répondre vite, mais mes efforts de réflexion se perdaient invariablement dans de douces rêveries où, au choix :
a) je clouais sur place l'animateur d'une réplique cinglante et mettais le public du studio dans ma poche;
b) j'humiliais en finale un benêt télégénique;
c) je passais au Zapping le lendemain tellement j'étais drôle;
d) je citais au moment crucial cinquante noms de joueurs de L.1 en trente secondes devant un public ébahi et des candidat(e)s en larmes;
e) je racontais une anecdote impayable et la pulpeuse candidate assise à ma droite me suppliait de lui en dire plus après l'enregistrement;
f) je me vautrais lamentablement au casting, pouls bloqué à 130 et mémoire inaccessible, et repartais avec une boîte de jeu pour m'entraîner.
Branché sur mon inconscient de téléspectateur, je devais me rendre à l'évidence : devant la perspective d'un passage télé, j'avais les mêmes fantasmes beaufs qu'un candidat moyen du Bigdil.
Éditions Le Dilettante - 285 pages
Commentaires
samedi 1 septembre 2007 à 08h30
Si le sujet ne t'intéresse pas à la base, je peux facilement comprendre qu'il t'a manqué quelque chose
bonne journée
samedi 1 septembre 2007 à 08h57
Bonjour Stéphanie

Oui, je ne suis qu'une bien piètre téléspectatrice... ceci doit donc expliquer cela sans doute. Par contre, j'ai pris un réel plaisir à interviewer l'auteur, et j'espère qu'il en sera de même pour toi à la lecture du résultat.
samedi 1 septembre 2007 à 10h10
Je viens de le finir et j'ai beaucoup aimé : j'avais peur que le sujet ne me rappelle les bouquins d'Ellis ou de McInerney qui campent des golden boys atroces, mais en fait non, et tant mieux!
dimanche 2 septembre 2007 à 09h10
Fashion Victim : oui, je viens de voir (merci pour le lien au fait). Apparemment je suis une des rares à ne pas avoir ri, et tant mieux pour Bertrand Guillot, j'espère qu'il rencontrera un large public.