Dans le silence d'une chambre de maison de retraite, Susan attend que sa grand-mère Irina ouvre les yeux. Le roman raconte ces quelques heures, ce dialogue silencieux, où chacune des deux femmes se souviennent.

Irina, aujourd'hui centenaire, est née dans les Balkans. Après une enfance à Paris, la guerre l'oblige à fuir avec son mari, et ils s'installe à Batenda. Là, sa recette du gâteau café-café lui permettra d'être acceptée par sa belle-famille et ses voisins.
Pendant plus de 60 ans, cette recette l'accompagnera dans son quotidien et l'aidera à faire front.

Joëlle Tiano entrelace les voix pour dessiner peu à peu le destin singulier d'Irina. Il y a ainsi en plus de sa voix de conteuse celle d'Irina et les interventions de Susan. En jouant finement sur la typographie, la partition prend forme et la polyphonie élégante de ces trois féminités s'allie avec douceur. Le parcours d'Irina est celui d'une femme aimante et aimée.
Bien sûr, l'eau n'aura pas été toujours aussi calme que celle du fleuve qui longe sa maison, mais ce qui prédomine, c'est la sérénité et la sagesse qu'elle a su tirer de ses expérience.

Et puis, il y a la fameuse recette du gâteau café-café. Irina la récite régulièrement, comme un mantra. Elle est le fil rouge de sa vie, son refuge. Mais pour la connaître dans son intégralité, pour découvrir enfin son secret de fabrication, il vous faudra aller au bout de cette histoire.

Cette lecture est une vraie sucrerie douce-amère. Joëlle Tiano a su peindre le portrait d'une femme volontaire qui s'est battue contre les préjugés et la bienséance de son époque. La présence, discrète, de sa petite-fille est particulièrement touchante, parce qu'elle est le symbole de la transmission entre les différentes générations. Qui a eu une grand-mère cuisinière me comprendra aisément : c'est dans l'alcôve de la cuisine, face au carnet tant convoité et les mains dans la farine, que les plus belles révélations entre femmes se font. À la fin de sa vie, Irina nous laisse un très beau témoignage.
Il ne me reste plus maintenant, qu'à essayer moi-même cette fameuse recette du gâteau café-café. :)
Pour finir, je voudrai souligner le très beau graphisme de la couverture qui m'a donné envie de déguster cette histoire.

Laurence


Pour en avoir entendu parler de cet ouvrage la première fois par Chiffonnette (qui avait même pour l'occasion d'une réunion du Club des Théières confectionné ledit gâteau ; merci Chiffonnette !!), je n'ai pas pu résister plus encore après la lecture des impressions de Laurence sur cet ouvrage. Je le lui ai donc emprunté. Il fallait que je m'y plonge moi aussi.

J'ai été de découvertes en découvertes. L'auteur prend prétexte de cette recette pour nous présenter Irina Sasson. C'est un superbe portrait que nous peint ici Joëlle Tiano. Celui d'une femme qui ne s'en laisse pas compter par son mari, son milieu, le court de l'Histoire, qui avance vaille que vaille et « compense » les trop pleins d'émotions (positives et négatives) en confectionnant son extraordinaire gâteau café-café, une recette transmisse entre les femmes de la famille. Son fameux dessert qui lui attache tout le monde.
Cette recette est aussi un excellent moyen pour Irina devenue âgée de retenir sa mémoire et ses souvenirs.

Un livre très court, beaucoup trop court, est un vrai délice comme peut l'être le gâteau. D'ailleurs, à la fin de ma lecture (voire même pendant), j'aurai bien aimé savourer une part de gâteau.
J'ai adoré cette histoire, la façon dont l'auteure égraine la recette et la vie d'Irina par petites touches légères, tout en délicatesse, poésie, pudeur à la fois, pour mieux captiver son lecteur. Si vous voulez vous évader, n'hésitez surtout pas. Lisez, relisez, offrez ce petit délice. Et surtout dégustez-le sans modération !

Dédale
le 13 janvier 2008


Les critiques qui suivent ont été mises en ligne le 02 juillet à la suite du "Prix Biblioblog 2008"


Joëlle Tiano brosse le portrait d'une femme qui ne s'est jamais laissée abattre, qui a su être moderne tout est étant une bonne épouse pour son mari. Un premier roman (ses autres écrits sont des pièces de théâtre et radiophoniques) qui se déguste comme une part de gâteau café-café dont la recette est le fil rouge de l'histoire. Il faut donc aller jusqu'au bout pour la connaître en entier. J'avoue avoir essayé de réaliser ce gâteau qui m'avait mis l'eau à la bouche durant 150 pages mais mes talents de pâtissière sont tellement nuls que ... bah oui raté ! Mais je compte bien sur les talents en cuisine d'une âme charitable pour enfin le déguster avec un verre de porto.

Arsenik

Je n’ai pas détesté cette lecture, mais quelque chose me laisse sur ma faim. J’ai aimé le style. C’est très bien écrit, épuré. Par contre, les changements de typographie m’ont agacée pour ma part. Je ne les trouvais pas nécessaires et plus dérangeants qu’aidant. Je pense que le fait d’avoir lu ce livre tout de suite après le roman La peau des doigts de Katia Belkhodja, un roman qui m’a beaucoup plu et qui parle aussi d’une relation avec une grand-mère, a un peu terni ma découverte. J’étais encore trop dans l’autre univers pour complètement pénétré dans celui-ci.

Catherine

Un roman gentillet avec une pointe de nostalgie et de sucre en poudre. La recette du gâteau (que je n'ai pas testé) m'est apparu comme un prétexte à revivre une vie, sans queue ni tête, avec des actes manqués et beaucoup de regrets. C'est comme Sur la route de Madison sans Clint Eastwood et en plus fade.
Malgré tout, la lecture est agréable mais ne laisse pas une empreinte marquante. Heureusement qu'il y avait le quatrième de couverture pour que je puisse me raccrocher à un semblant d'histoire...

Cœurdechene

Un livre, amer comme le goût d’un café trop corsé.
Un livre, doux comme le goût d’un café au lait.
Un livre, tendre comme le goût des souvenirs.
Un livre, dur comme le goût des désillusions.
Irina Sasson, 101 ans se récite chaque jour la recette du fameux gâteau café-café…
Au fil des chapitres qui égrènent ses souvenirs, la recette apparaît au fur et à mesure.
J’ai eu un peu de mal avec la structure du roman, puis je me suis laissée porter par les mots, afin de connaître les ingrédients et accéder à cette fameuse recette.
Pourtant, je n’aime que le café fort voire corsé mais pas les recettes à base de café !!!!

A la faveur d’une bouchée du gâteau et d’une gorgée du vin ambré, Irina se réconcilia avec ses joies et ses douleurs.

Google

Du fait des nombreux commentaires positifs que j'avais lus sur ce livre, j'en ai peut-être eu des attentes excessives. Sans me déplaire, ce roman ne m'a pas particulièrement enchanté. Sur plusieurs aspects de la vie d'Irina, je suis resté sur ma faim. Son enfance est très brièvement évoquée. Les relations avec sa belle-famille à Batenda ne sont plus développées au delà des quelques jours ayant suivi son mariage.
Dans ce récit, plutôt que le leitmotiv du gâteau café-café, je retiens avant tout les joies et les meurtrissures de la vie d'Irina.

Joël

Ce roman est aussi savoureux  que a couverture le laisse deviner. On plonge dans ce petit ouvrage sucré, rythmé par la découverte de la recette du gâteau du titre( qui donne très envie, d’ailleurs).
Mais derrière cette apparence légère, l’auteur parvient à aborder des thèmes universels très intéressants : le rapport à la vieillesse, la relation avec le passé, la découverte du racisme dans la lointaine colonie de Batenda. La narration entrecroisée d’Irina et de sa petite-fille est également bienvenue, même si j’aurai aimé entendre un peu plus les réactions de la petite-fille.
Ce roman est une vraie réussite, que je vous à dévorer à votre tour (beaucoup de blogueurs et de blogueuses l’ont d’ailleurs déjà fait !).

Yohan

Extrait :

Aucune lumière n'était restée allumée et cependant, curieusement, l'obscurité me guidait. C'est que, à ces heures-là de la nuit, si le blanc des murs chaulés s'obscurcit jusqu'à disparaître, les bois sombres et patinés des maisons, eux, se mettent à luire. On s'en approche et leur odeur s'élève, épicée et amère devant vous, vous assurant de leur présence. Les portes s'ouvrent lourdement, doucement, vous savez que vous franchissez sur le seuil des roses de vent, des nefs étoilées, des figures allégoriques, motifs soyeux à vos pieds, marquetés dans la douceur des parquets.

De ce bois dense malgré le climat tropical, sans doute parce que seuls les arbres centenaires ont été abattus, l'humidité ambiante rend incomparable la douceur polie du grain.

Moi qui avais fait claquer la porte à Adriano parce que j'avais ri de son désir, je prenais en secret possession de cette demeure que sa famille avait fait construire et embellie au fil des ans. Je suis arrivée dans la cuisine, vaste comme une esplanade. Deux pierres d'évier se faisant face, ainsi qu'un plan de travail, en pierre lui aussi, au milieu de la pièce - assez grand pour qu'on puisse y abaisser la pâte à pain pour un village entier - organisant l'espace.
Ma belle-mère prévoyait d'inviter, dans les jours à venir, des relations lointaines, qu'elle n'avait pas pu inviter au mariage. Elle avait décidé qu'il me faudrait confectionner chaque fois quelque chose, ne serait-ce que des rosquettes à l'anis ou un pain d'Espagne pour montrer aux dames de la colonie - offensées qu'Adriano, l'un des partis les plus en vue de la province de Mesetan, ait négligé la société locale et n'ait pas pris épouse parmi les jeunes filles de la colonie, préférant ramener une obscure personne de France - que celui-ci avait cependant fait un bon choix.
J'ai ouvert les placards, j'ai ouvert la glacière, j'ai respiré l'esprit de la pièce, d'emblée je l'ai aimée.


Et là, dans le petit matin mauve de Batenda, après la nuit inachevée de ses noces, Irina eut l'idée de ce qu'elle ferait pour le thé de sa belle-mère, l'idée dont toute sa vie elle serait fière : elle confectionnerait le gâteau de Lise, mais, au lieu de l'habituelle crème à la vanille de la recette, elle garnirait le gâteau d'une crème au café.

couverture
Éditions Les mues Intervista - 150 pages