Rapidement découvert puis accepté par l'équipage, il devient le dernier mousse du Baquedano. Avec les autres marins, il va découvrir la violence du Grand Sud, les légendes maritimes et les dernières peuplades indiennes.

Je ne connaissais pas du tout cet auteur, mais j'ai découvert ensuite qu'il était l'un des écrivains les plus étudiés dans les écoles d'Amérique du sud. Son parcours est assez similaire à celui du jeune Alejandro : ayant perdu son père à 9 ans, il s'installa avec sa mère à Punta Arena et fut plus tard instructeur sur le Baquedano.
En lisant ce récit initiatique, j'ai fait le parallèle avec Le monde du bout du monde de Luis Sepulveda. Après quelques recherches, j'ai compris que ce rapprochement n'était pas fortuit puisque Sepulveda éprouvait beaucoup d'admiration pour le romancier chilien. Voici ce qu'il en disait :

Les hommes australs que j'avais connus autrefois étaient en général des individus peu causants, d'aspect rébarbatif, et c'était seulement après avoir gratté minutieusement la cuirasse de leur personnalité qu'apparaissaient les natures communicatives. Je me souviens particulièrement de l'un d'eux. Un homme très grand et corpulent, chevelure rebelle et barbe blanche, qui après avoir été peón d'estancia, châtreur de moutons, contremaître, puis marin sur le bateau-école Baquenado et enfin baleinier, a fait une pause dans ses courses sur les mers australes pour devenir le plus grand écrivain du Chili. Il s'appelle Francisco Coloane, il doit avoir environ quatre-vingts ans et, chaque fois qu'un ami lui rend visite, il l'emmène naviguer sur les canaux et les mers du Bout du Monde. (Luis Sepulveda)

Il y a effectivement une parenté incontestable entre les deux récits. Mais là où Sepulveda m'avait laissée sur le port, Coloane, grâce à un style simple et rythmé, m'a permis de pénétrer cet univers d'hommes au long cours. Il ponctue le voyage d'Alejandro de légendes transmises de loup de mer en matelots, et qui donnent un relief fantastique à l'histoire. Et puis, il y a les retrouvailles avec le frère et la découverte d'un nouvel Eldorado, digne de Voltaire

Je comprends mieux maintenant pourquoi les œuvres de Francisco Coloane sont édités dans des collections jeunesses. Bien qu'ayant été écrit il y a plus de 60 ans, ce roman conserve la puissance universelle des récits d'apprentissage.

Extrait :

Quand, habillé en mousse, avec son petit calot blanc de travail, il monta sur le pont pour se présenter ) ses supérieurs, il était très ému. Il se sentait un vrai marin. Son grand rêve s'était réalisé. Le sang de son père revivait sur l"océan. Il respira l'air salé à pleins poumons, regarda la fine proue de son bateau et décida que ce qu'il aimait le plus au monde, après sa mère, était le Baquedano.
Le vieux navire semblait avoir une âme. Sa belle figure de proue relevait la tête, scrutant les horizons lointains, et fendait avec fougue le grand jardin d'écume et de vagues. Pour son dernier voyage un nouveau fils lui était né en pleine mer : Alejandro Silva, le dernier mousse du Baquedano, surgi de ses entrailles comme du fond noir de l'océan.

couverture
Éditions Points - 117 pages