François Villon naît dans un XVème siècle en proie aux affres d’une rigidité ecclésiastique et d’une déchéance du pouvoir royal. Le système féodal est moribond et la société se prépare tout doucement à la révolte de ce que les historiens appelleront la Renaissance.
Elevé par un chanoine, il reçoit la tonsure de clerc mais finalement n’a de religieux que la bure qu’il porte… Entre coups pendables dans le quartier des étudiants, crimes, menus larcins et débauche, il met la France en ébullition, rencontre les grands de son époque, tutoie les rois et vole les princes.
François Villon, certains le connaissent pour ses poèmes, étudiés à l’école ou simplement entendus dans la bouche d’un Léo Ferré. Sa fameuse Ballade des Pendus est restée la plus célèbre de ses compositions. Ici, le texte est émaillé de poèmes et d’anecdotes qui sont rattachées à la personne de Villon et il est vrai qu’un contexte aide beaucoup à saisir le sens de sa poésie souvent cynique et lugubre.
Jean Teulé nous propose une biographie de François Villon écrite à la première personne. Nous suivons donc toutes les tribulations de ce mauvais sujet, assistons à ses déboires, sommes témoins de ses tortures et de ses joies. Le tout est écrit comme un roman et se lit avec une facilité déconcertante.
J’ai commencé cet ouvrage avec curiosité et je l’ai fini avec un sentiment de plénitude, d’achevé. J’ai sourit beaucoup, été écoeuré un peu et rit pas mal de fois. Le style est léger, à l’image de la vie du poète. La difficulté est de lire les poèmes insérés dans le texte en ancien français, difficulté bien aplanie grâce à la traduction plein texte de l’auteur. En bref, un vrai plaisir de lecture et pour moi la découverte de la vie d’un homme que j’étais loin de soupçonner aussi… remplie.
Du même auteur : Le magasin des suicides
Par Cœur de chene
Extrait :
Où Villon est accueilli à la cour de René d’Anjou. On le vêt comme un troubadour…
« J’enfile ensuite des poulaines comme je ne savais même pas qu’il en existait. Elles sont si étirées en avant qu’elles prolongent les semelles, les allongent d’au moins deux pieds. Renforcées d’une armature de baleine, leurs pointes relevées en arc sont retenues par une chaînette rattachée à la jambe sous le genou. Je fais quelques pas. C’est tellement incommode. On dirait des patins de luge. Et ce bruit de grelots fixés à la pointe des poulaines…
« Bouh ! Bouh !... » La bonne fuit la cuisine en se tenant le ventre de rire. Le chambellan, consterné, lève les yeux au ciel […]
J’escalade, derrière sa robe bleue, les pierres usées d’un étroit escalier à vis. Et franchement, avec ces poulaines délirantes, ce n’est pas pratique. Je dois grimper, dos au mur, en posant mes pieds dans le sens de la longueur des marches. Je manque plusieurs fois de glisser et de tomber surtout quand une troupe de Maures, brillamment costumés, dévalent l’escalier comme des acrobates et bondissent en s’esclaffant par-dessus mes chaînettes. Je me retourne pour les engueuler de leur inconscience, des risques qu’ils me font courir, mais j’entends s’égrener plein de notes de musique autour de ma poitrine et de ma tête. Ils commencent à me faire chier ces grelots…
[…] Le duc d’Anjou pousse dans ma direction un grognement de satisfaction : « je suis aussi un peu poète, jeune homme. J’ai écrit à la manière de Philippe de Vitry : Regnault et Jeanneton – une pastorale de dix mille vers. Pour Regnault, j’ai pensé à moi. Jeanneton, c’est ma femme Jeanne de Laval. Nous y vivons l’amour pur tel Gontier avec sa douce Hélène dans une bergerie de rêve que j’ai reconstitué dans mon jardin. Venez que je vous la fasse visiter. »
Oh, tudieu, faut redescendre les marches !
Pendant cette opération périlleuse, le chambellan file devant, ce qui est très énervant. Même le duc ventripotent va sans peine. Il m’attend, lève son groin vers moi :
- Eh bien, venez. Je ne vais pas vous manger !
Je manque de me casser la gueule dans l’escalier.
Éditions Pocket - 432 pages
Commentaires
jeudi 20 septembre 2007 à 09h22
Je me souviens avec précision du jour où nous étudiâmes (concordance des temps oblige... :-D) "La ballade des pendus". J'étais alors en 4ème et ce poème m'avait bouleversée tant il était dur et cru. Les corps décharnées se sont "matérialisés" sous mes yeux effrayés. Je savais que le Sieur Villon avait eu une vie mouvementée et avait écrit ce poème en prison. Depuis, je le lis souvent à mes élèves pour leur montrer que la poésie n'est pas toujours "guimauve" comme ils se l'imaginent souvent. Ta présentation m'a donc donné très envie de découvrir un peu plus la vie de ce poète sous la plume de Jean Teulé.
jeudi 20 septembre 2007 à 21h03
Voilà un livre que j'ai reçu de la part du Livrophile, consacré à un homme que je connais très mal, mais dont j'ai une haute idée depuis toujours (un des héros du panthéon paternel). En fait, je repousse sa lecture par crainte de passages que je suppose assez violents...
jeudi 20 septembre 2007 à 22h24
Laurence, je suis sûr que tu vas beaucoup aimer. J'ai éprouvé un réel plaisir à lire ce livre et à découvrir Villon de manière assez... intime.
Kalistina, il est vrai que l'ensemble est assez cru. En général, la violence est subie par Villon, mais elle est très fortement décrite. Donc je conçois tes réticences. Cependant j'espère que tu pourras un jour t'y plonger et poster ton avis.
samedi 22 septembre 2007 à 00h49
un livre pour lequel il faut s'accrocher, mais considérons aussi la période historique ! je suis en train de lire "le magazin des suicides" de jean teulé, qui est dans un tout autre genre, hilarant !
dimanche 4 mai 2008 à 13h13
comment a vécu Villon? il n'y a qu'à lire ses poèmes et comprendre que ce génie de la littérature a du mener une lutte contre la faim , la misère, la rudesse de cette époque pour survivre! Poète maudit dit on! non ! poète génial dans une époque d'ignorance où la religion cruelle et autoritaire était plus qu'une prison! Villon je t'aime et ne te jette pas la pierre et comme dit Brassens: ah que n'ai je vécu bon sang entre 14 et 1500 ne serait ce que pour te saluer bien bas!!!!!
dimanche 8 juin 2008 à 19h41
Un peu comme Kalistina (ci-haut, 20 sept. 2007), j'étais plutôt pris qu'épris par le caractère cru d'un nombre de passages mais avoue ne pas avoir pu m'empêcher de les lire ... et lentement! J'éprouve donc une admiration légèrement accusatrice puisque Teulé a réussi à "piéger" mon attention et comment!. En somme, je le remercie d'avoir œuvré pour intégrer dans son récit autant de littérature et d'histoire sans oublier la masse de ses habiles traductions franco-françaises des poèmes. Je remercie également XYZ pour avoir recommandé ce livre dans mon groupe de lecture à Princeton à New Jersey E.U.
jeudi 11 décembre 2008 à 23h30
Jean Teulé m'a fait découvrir Villon, redécouvrir Verlaine, m'a amusé avec Montespan,m'a mis un uppercut avec Darling, m'a fait sourire avec le magasin des suicides.