Au fil de nouvelles, Riel nous fait balader sur la banquise et croiser la route de personnages hauts en couleur. Nous faisons peu à peu connaissance avec Valfred, Anton, Herbert, William le Noir, Lodvig ou Magnus von Veile, dit le Comte…

Tour à tour, ces hommes rudes se dévoilent, mettent à jour, dans la nuit du Grand Nord, leurs faiblesses, leur tendresse, un peu de pudeur et quelques rêves d’enfant.
« Souvent râpeuses, toujours viriles, parfois brutales, saupoudrées de magie et de mystère, elles [ces nouvelles] nous racontent un monde où la littérature ne se lit pas mais se dit, où l’épopée se confond avec le quotidien, où la parole a encore le pouvoir d’abolir le présent et de faire naître des légendes. » Michèle Gazier, Télérama (Quatrième de couverture)

J’ai pris ce livre sans trop savoir pourquoi, sans doute parce que le titre m’a accroché, ou parce que je voulais lire quelque chose de différent… et puis après le film La Marche de l’Empereur, une certaine envie de prolonger le rêve dans ces paysages sublimes…
Et je n’ai pas été déçu du voyage !

Passé la première nouvelle d’adaptation au style de l’auteur et aux noms bizarres, me voila lancé sur les traîneaux de chiens faisant plusieurs dizaines de kilomètres par jour pour tromper mon ennui, ou simplement partir à la chasse.
J’ai été séduit par le style clair et limpide, par l’écriture simple, sans fioritures et par des histoires qui réchauffent le cœur, à croire qu’il faut connaître le froid pour ça…

J’ai également été surpris par la cohérence entre les nouvelles. Finalement, elles sont toutes liées puisque c’est un univers plus ou moins clôt. Mais surtout, j’ai eu l’impression de pouvoir dégager une sorte de gradation dans l’intensité narrative des nouvelles (aïe, le vocabulaire païen qui ressort…). En français fondamental : l’auteur accentue les éléments de ses histoires jusqu’à une apogée finale… et inattendue (de préférence :-) )

Vraiment un recueil à mettre entre toutes les mains et à partager (au coin du feu, c’est mieux).

Par Cœur de chene

Extrait :

Extrait de la nouvelle Tournée de visite.

C’était décidément là une visite bien étrange. Herbert s’était imaginé des journées joyeuses à jouer aux cartes, à bavarder de femmes et à faire des commérages sur les différents districts, mais non, rien de tout ça. Lodvig restait taciturne. Il disait bonjour en se levant, bonne nuit en se couchant et chin-chin en buvant. Les choses en restèrent là, et ainsi s’écoula la première semaine.
Au fur et à mesure que passaient les jours, Herbert perdait tout désir de prolonger davantage sa visite. Il avait parlé sept jours et sept nuits. Il était maintenant fatigué et avait la voix enrouée. Le huitième jour, au réveil, il sentit que maintenant il était vide, que maintenant il n’avait plus rien à dire. Le besoin de solitude à nouveau se faisait pressant. C’est pourquoi il se leva, grimpa dans ses vêtements et dit au revoir.
- Au revoir ???
Lodvig sauta de sa paillasse.
- Ça, c’est la meilleure ! Tu pars alors que j’ai pas eu le temps d’en placer une ? Qu’est-ce que c’est que ces manières ? Est-ce que je ne viens pas de t’héberger toute une semaine, de boire du tord-boyaux avec toi et d’écouter avec patience ton sacré bafouillage ? ça non, Herbert, tu ne t’évaderas pas si facilement de Ross Bay. Maintenant, tiens, tu n’as plus qu’à m’écouter, moi !
Herbert s’assit à la table, confus. Qu’arrivait-il donc à Lodvig ? Voilà qu’il parlait maintenant avec cohérence, comme un être humain.
Et Lodvig se mit à parler.

couverture
Éditions 10/18 - 157 pages