Le Shall und Rauch est un cabaret érotique, et les tours de William font pâle figure à côté du corps musclé de Kolja. Pourtant, dès le premier soir, il fait la connaissance de Sylvie, une étrange jeune femme, qui devient aussitôt son assistante. Ensemble, ils décident de monter "Le Tour Maudit"...
Mais Oncle Dix, le co-locataire mystérieux de Sylvie, semble fort intéressé par les talents du magicien...

Louise Welsh a construit son récit autour de flash-back permanents. Il y a d'un côté le séjour en Allemagne où William, encore magicien digne, se brûle les ailes; et de l'autre, sa déchéance à Glasgow depuis son retour.
Louise Welsh maîtrise suffisamment bien ces aller-retours pour que le lecteur ne se perde pas dans les méandres de l'intrigue. Bien au contraire, l'alternance accentue le suspens et l'angoisse.
Avec une très bon sens du rythme et de la dramaturgie, l'auteure laisse monter la pression jusqu'au moment ultime. Comme un prestidigitateur, elle attire le regard de son lecteur vers de fausses pistes, pousse la tension à son maximum, afin de le surprendre lors du bouquet final.
En plus de ces deux intrigues finement agencées, il y a aussi un vrai travail sur les ambiances des nuits berlinoises ou écossaises : les pubs enfumés, les créatures noctambules, les soirées glauques où l'alcool prend le pas sur la fête. William est un personnage très attachant et Louise Welsh parvient avec talent à nous recréer ses spectacles de magie, comme si l'on était dans la salle.

J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à lire ce roman et j'ai apprécié que le héros casse les codes habituels du polar.

Du même auteur : De vieux os.

Extrait :

De nouveaux coups ont retenti à la porte.
"Je sais que tu es là, Bille. C'est ta seule chance de découvrir la vérité à propos de ta mère."
Sam a pris l'enveloppe à son amant pour me fourrer dans la main.
"Écoute, laisse-le fouille ce bureau, il ne trouvera rien. Cette enveloppe sera en lieu sûr avec William."
J'ai sifflé :
"Je ne veux rien avoir à faire là-dedans."
Bill a repris la parole d'une voix basse et décidée.
"Ne vous inquiétez pas, je vous dédommagerai amplement". Il a souri. "Mais si vous l'ouvrez, je le saurai et vous aurez vos couilles pour jouer avec à titre de preuve. Maintenant, partez, c'est le moment de dire abracadabra, c'est le signal qui vous dit de disparaître."
Bill a posé la main sur mon épaule et m'a poussé fermement hors de la pièce, Sam m'a lancé un dernier sourire pardessus l'épaule de son amant, puis la porte s'est refermée derrière moi et la clé a tourné sans bruit dans la serrure. Le palier était sombre et humide. Il y avait un petit lavabo sur ma gauche et, à côté, une volée de marches pentue qui menait en bas. Je suis resté planté une seconde à me maudire en silence, l'enveloppe dans une main et ma valise dans l'autre, tentant de ne pas respirer de peur que le petit flic râblé m'entende. À travers la porte, j'ai entendu la voix de Bill, aussi accueillante qu'un cognac bien chaud par une froide soirée.
"Inspecteur Montgomery".

couverture
Éditions Le Métailié - 341 pages