Dans Dessine-moi un coq, nouvelle du recueil éponyme, la narratrice replonge dans ses souvenirs d'enfance. En voyant un dessin de sa fille, elle ouvre une boîte de Pandore : à l'époque, petite Afghane, elle aimait dessiner auprès de sa mère. Mais dans son pays, la religion interdisait de reproduire sur une feuille blanche des êtres vivants. Un cousin se chargera de le lui rappeler.

Le chant de l'indépendance nous invite à partager la complicité d'une fille et sa père face à l'injustice scolaire.

Avec Dans les griffes des chiffres Spôjmaï Zariâb nous rappelle les difficultés de vivre déraciné, le choc des cultures entre l'Orient et l'Occident.

Spôjmaï Zariâb nous parle aussi de la douleurs des mère qui voient leurs fils partit à la guerre, dans "Mobilisation générale" et "Le combat des géants"; ou de la cruauté des enfants dans "Quand les chats deviennent des hommes" et "La bague en or"

Une fois de plus, je ne partage pas la vision proposée en préambule de ce recueil. Plus qu'une évocation de l'enfance, j'ai trouvé que ces récits parlaient avant tout de la condition féminine en Afghanistan, et faisaient des portraits merveilleurs de "mères-courages".
Oui, pour moi, ce recueil est un hommage à toutes ces femmes qui se battent pour vivre dignement et surtout, pour offrir à leurs enfants un avenir meilleur.

Extrait :

Quand l'aveugle arrivait, ma mère, le moins du monde troublée et sans se presser, le faisait asseoir à la place des invités, approchait de lui son plus beau coussin et, avec un calme et une tranquillité qu'on ne lui connaissait que rarement, s'asseyait et entamait la conversation. Elle le cachait pas sa bouche avec son foulard, ne se préoccupait même pas de savoir s'il avait glissé du haut de sa tête et laissait voir sa chevelure, d'un noir de jais. Elle ne se préoccupait pas plus de ses bras et de ses jambes, ni de savoir si, par hasard, on les voyait dépasser plus qu'il n'est de rigueur sous la manche ou le pan de sa robe. Elle ne jetait pas le moindre regard anxieux autour d'elle et ne baissait pas les yeux, les mots ne lui manquaient pas, elle n'avait pas besoin de les chercher désespérément et elle pouvait parler sans reprendre son souffle, sans les hacher, sans la moindre nervosité.
J'en venais parfois à souhaiter, avec une sorte d'innoncente cruauté, que tous les hommes du monde perdent la vue pour que ma mère puisse s'asseoir tranquillement avec eux et entamer la conversation sans avoir à cacher sa bouche avec son voile, pour que ses lèvres roses puisse se mouvoir avec langueur, s'étirer et laisser apparaître une à une, dans un sourire, la blancheur de ses dents et qu'ainsi elle nous fasse rayonner nous aussi, la maison et moi.

couverture
Éditions de l'Aube - 99 pages