Le narrateur, un homme plus tout jeune, écrivain et poète à ses heures, ose avouer par écrit (les paroles sont difficiles pour ce timide) son amour pour une belle croisée lors d'un colloque. Pour cela, il fait le portait de ses compagnons de jeunesse, l’Historien, l’Etranger et Raoul. Hommes charismatiques, véritables mystères, princes de l'amour ou fabulateurs émérites. Ils ont tous vécus l'amour, universel et omniprésent. A leur façon, par leurs histoires contées le soir sous l'ombre d'un guénépier au fond d'une cour de Port-au-Prince, ils ont servi de mentors à l'écrivain.
Les histoires et portraits se superposent sans jamais s'étouffer. Ils s'enrichissent, se bonifient l'un l'autre. Et comme le dit Lyonel Trouillot, « Le récit, les multiples récits autour des vies des aînés éloignent le propos de son centre pour l'y ramener. » Il y a un langage pour l'amour, pour parler à l'autre. Comment vivre et exprimer le moment de la rencontre ? Quels mots utiliser pour exprimer ce qui ne peut l'être parfois ? « On se trompe parfois sur l'autre, et l'on peut ne jamais guérir de cette sorte de blessure ».
Lyonel Trouillot, auteur engagé vivant à Haîti, a pris un chemin autre que celui de ses ouvrages habituels, plus politiques. Et il a fort bien fait.
Il nous offre ici un texte lumineux, pudique et fort à la fois, d'une poésie à fleur de peau. C'est frais, plein d'innocence et de tendresse. C'est beau à fondre.
A lire, à relire, à offrir absolument.
Lire aussi l'interview de Lyonel Trouillot sur Biblioblog.
Autres romans de Lyonel Trouillot :
Yanvalou pour Charlie
Thérèse en mille morceaux
Bicentenaire
Les enfants des héros
Rue des pas perdus
Lettres de loin en loin : une correspondance haïtienne
L'éloge de la contemplation
La belle amour humaine
Dédale
Les critiques qui suivent ont été mises en ligne le 02 juillet à la suite du "Prix Biblioblog 2008"
Je n’ai pas vraiment accroché ni à l'écriture ni à l'histoire. J'ai du manquer quelque chose car pourtant cela me semblait une belle histoire...
Depuis Bicentenaire je considère Lyonel Trouillot comme un de mes auteurs préférés. Ce dernier ouvrage m’a bouleversé, moins par son propos que par sa puissante beauté. Quel esthétisme, quelle émotion, quelle poésie. «Le défaut de chaque époque, c’est de se prendre pour l’éternité.» Ou encore : «Combien de fois faut-il n’aimer que toi et pour toujours avant de rompre à jamais avec cette intention !» Ou encore : «Tout et rien, ça fait beaucoup de choses sans importance grignotant sur le temps qui reste aux mots d’amour.» J’en ai noté des dizaines comme celles-là. Qui me vrillent le cœur et me font du bien. Voilà un roman qui parle d’amour sans être un roman d’amour, qui ramène les sentiments à leur banalité et à leur universel.
Seul bémol : pourquoi faut-il encore nous montrer des hommes mûrs qui s’inspirent à la beauté d’une toute jeune fille. Une chance que la situation n’est qu’un prétexte pour parler d’autre chose parce que ça m’aurait énervée !
J'ai eu un peu d'appréhension à l'ouverture de ce roman. Je m'attendais à une bluette saupoudrée de paysages de Gauguin (dont overdose avec Mercredi Soir...) et j'ai en fait été agréablement surpris. Le roman est assez bien construit, les histoires des aînés renvoient chacune à une approche particulière de la vie et les trois mises bout à bout font notre propre histoire. Je me suis reconnu un peu en chacun d'eux. Certaines se devinent malgré tout, et c'est sans surprise que j'ai lu la dernière page consacrée à l'Etranger. Mais c'est tellement bien dit.
Je retiendrais également les leçons de vie qui émaillent le texte, quelques phrases par-ci par-là qui sautent hors de la page et que, quelques jours plus tard, ne sachant plus d'où elle proviennent, on fait sienne. C'est à mon sens la meilleure réussite pour un écrivain, que ses mots vivent indépendamment du support. Merci donc pour cette découverte. A mon tour il va falloir que je me mette à parler de l'amour... avant que j'oublie.
« Tu connais la chanson : Bleu, bleu, l’amour est bleu. »
C’est comme cela que débute ce livre : cette chanson.
Bleu, bleu, l’amour est bleu…
C’est tout ce dont je me souviens de cette chanson : cet air qui se fredonne !
Je me suis perdue dans les méandres de la ville.
Pourtant, j’ai bien essayé de suivre cet écrivain amoureux, racontant sa « vraie » vie, celles des Aînés : Raoul, l’Historien, et l’Etranger, locataires de la même pension.
Mais je pourrai, en paix, glisser vers ma rature, j’ai dit l’amour avant que j’oublie..
Malheureusement, je n'ai guère pris de plaisir en lisant ce livre. Au sujet de sa structure, les portraits des trois Aînés se complétant beaucoup, le découpage en trois parties m'a paru maladroit. Cet ensemble de portraits se suffisant à lui-même, je n'ai pas bien saisi pourquoi l'auteur l'a inséré dans cette semaine de colloque ; à chaque fois que le colloque et la femme dont il s'éprend sont évoqués, j'ai ressenti comme une intrusion dans le récit.
Typographiquement parlant, le texte n'est pas très aéré. De nombreuses phrases au style direct libre apparaissent au sein de longs paragraphes sans avertissement ni indication du locuteur. C'est assez déstabilisant pour le lecteur. J'en garde une impression de confusion.
Toutefois, avec l'Étranger, l'Historien, Raoul et les autres, on découvre des personnages bien singuliers ! Les histoires racontées par l'Étranger constituent en soi quelques contes dignes d'intérêt.
Cette première impression peut paraître un peu amère, pourtant c'est ainsi que j'ai perçu le livre en première lecture. J'ai relu ce roman un mois plus tard pour en avoir le cœur net. Ayant déjà en tête les clefs qui expliquent certains passages qui m'avaient semblé obscurs, cette relecture m'a été plus agréable que ma première lecture. Concernant le discours direct à locuteur variable sans indice typographique, je suis bien conscient que c'est un choix manifeste de l'auteur et que s'il avait pris une autre décision, nous autres lecteurs n'aurions pas la même perception des émotions des personnages et de leurs égarements ; après cette deuxième tentative, je reste quand même plutôt hostile à cette manière de raconter des histoires.
« Il avait un ami. Il n'y a pas de vrai conte sans une paire d'amis. Un conte commence toujours par des inséparables ». Ces phrases, extraites du roman, contiennent l'essence même du propos de Lyonel Trouillot. Comme il a déjà été dit au-dessus, le narrateur tente à travers les lignes de son récit de séduire une belle jeune femme croisée lors d'un colloque. Mais n'ayant jamais vécu l'amour passion, il décide de se raconter à travers l'amour des autres.
L'amour filial en premier lieu : il y a une telle admiration pour ces aînés qui ont partagé ses soirées à la pension. Il a tout appris par procuration : la passion, les voyages, la sagesse, la révolte. « Je croyais que les pays, les femmes, tout le réel, il faut les prendre dans ses bras. Lui savait que, la vie, on la prend par les yeux. "Tout est dans les yeux". J'ai retenu son enseignement. ». « Pour l'instant, je ne veux être que le souvenir de ces trois hommes desquels j'ai appris le peu que je sais de la quête du bonheur. [...] Parler d'amour, n'est pas engager une discussion sur le bonheur? »
Ces trois hommes lui ont en effet parlé d'amour, de toutes les palettes possibles de ce sentiment. Les épisodes s'entrelacent; le présent se mêle au passé; les voix se confondent parfois; mais de cette polyphonie déconcertante émerge un espoir commun de partage et d'envie.
Bien sûr, certains trouveront l'écriture trop dense, trop compacte; mais c'est ce bouillonnement de l'écriture qui traduit à mon sens l'urgence dans laquelle est l'écrivain. Cet homme pour qui le langage est tout, mais qui se trouve dans l'incapacité d'user des siens, et emprunte ceux des autres. Le langage est au centre de cette œuvre.
D'autres ne comprendront peut-être pas le lien entre le récit encadrant et le récit encadré, mais là encore, tout me paraît évident : l'écrivain veut communiquer avec elle; lui faire comprendre qui il est. Comment parler de soi autrement qu'à travers les personnes que l'on a aimées. Elles sont notre miroir, notre révélateur. Alors l'écrivain se charge de refaire revivre ses trois hommes pour que la jeune femme le comprenne... et l'aime, peut-être. L'amour avant que j'oublie est le testament amoureux d'un écrivain, à moins que ça ne soit l'inverse.
Ma déception de la sélection. Je ne suis pas rentré dans ce texte, sauf à de rares moments.
Je suis resté hermétique à cette histoire d’amour dédoublé, celle entre le personnage principal et une femme, et celle entre le même personnage et ses voisins d’une pension de Port-au-Prince.
Le fait que ces voisins n’aient pas de nom m’a dérouté, avant que je m’y fasse. Mais si les histoires individuelles peuvent être intéressantes, comme celle de l’Etranger, l’ensemble m’a paru manquant d’unité, avec un lien (trop ténu) entre les deux trames.
Bref, je suis passé à coté. Pour tout avouer, j’allais me lancer dans un autre bouquin quand je me suis rendu compte que je n’avais pas lu la dernière partie. Révélateur !
Extrait :
Elle s'appelait Marguerite. Elle n'était pas née dans une maison, elle n'avait pas grandi dans une famille. Elle était l'enfant du Portail. Elle avait développé très vite la sagesse et la débrouillardise qu'il faut aux survivants qui n'ont pas eu le temps d'apprécier ce luxe des classes aisées que l'on appelle l'adolescence. Elle n'était pas gênée de la proximité de nos corps sur le lit. Au fond, c'est l'un des êtres les plus équilibrés qu'il m'a été donné de rencontrer. La gêne, c'étaient les chaussures. Une fois qu'elle se sentait en confiance, sa parole était droite, limpide, libre. Elle dormait en s'arrangeant pour ne pas prendre beaucoup de place, mais elle ne reculait pas quand nos corps se frôlaient. Avant de s'endormir, elle avait dit : Si c'est une occasion... Mais ce n'en était pas une, et elle n'était ni fâchée ni déçue et souriant dans son sommeil, l'esprit apaisé et la conscience tranquille.
L'amour avant que j'oublie de Lyonel Trouillot - Éditions Actes Sud – 182 pages
Commentaires
jeudi 22 novembre 2007 à 11h19
Et bien ! Quelle critique ! Tu donnes envie de le lire, je note de ce pas !
jeudi 22 novembre 2007 à 13h05
oh oh oh! Voilà un de mes auteurs pré-pré-pré-férés. Je l'ai acheté... je ne crois pas avoir le temps avant février ou mars, mais il est aussi placé sur la PAL
jeudi 22 novembre 2007 à 21h51
En effet, voilà une belle critique pour un livre que je vais forcément noter !
jeudi 22 novembre 2007 à 22h53
J'espère que vous aimerez cette histoire et ces personnages attendrissants.
mercredi 2 juillet 2008 à 14h02
J'avais noté ce titre depuis la parution du billet de Dédale, aussi étais-je ravie qu'il figure dans la sélection. Malheureusement, ça a été une grande déception pour moi, et je rejoins Joël lorsqu'il s'interroge sur l'intérêt d'avoir intégré cette série de portraits dans le colloque et la rencontre avec la jeune fille...
mercredi 2 juillet 2008 à 14h12
Je vois Laurence que tu as précédé mon questionnement sur le lien entre les deux histoires dans ta critique. Si je comprends ce que tu veux dire, je ne suis convaincu que cela soit efficace. Ca peut marcher pour certains lecteurs, mais il y a un risque important de perdre les autres. Je partage d'ailleurs les remarques de Joël et Bladelor sur ce point.
J'ai dans ma bibliothèque Bicentenaire, et ne désespère pas d'y trouver mon bonheur (D'autant que cela a l'air d'être un autre registre) !
mercredi 2 juillet 2008 à 14h38
Comment résister?
mercredi 2 juillet 2008 à 15h21
Du même auteur Bicentennaire pourrait te plaire Yohan, mais ne t'essaie jamais jamais jamais avec La rue des pas perdus, parce que ce qui t'a déplu dans celui-là te rendrait fou dans l'autre.
mercredi 2 juillet 2008 à 15h22
Pimpi: il circule dans un certain club de lecture auquel tu es convié, donc tu pourras l'emprunter là sans problème :o)
mercredi 2 juillet 2008 à 17h12
j'ai voté pour lui - inutile de dire à quel point j'ai été conquis...
mercredi 2 juillet 2008 à 17h31
Ah voilà qui est bien jp. J'avoue que je me demandais un peu pour lequel vous aviez voté. Et bien que c'était pas ma proposition (je ne l'avais pas encore lu avant le Prix), c'est un de mes cours de coeur de l'année!
mercredi 2 juillet 2008 à 18h20
Bladelor et Yohan : ça m'a pourtant paru si évident... étrange ces différents niveaux de lectures.
Pimpi : ne résiste surtout pas !
(en même temps, tu sais maintenant les risques que tu prends : adorer ou t'ennuyer.
).
Jp : comme toi, j'ai vraiment été plus que conquise par ce roman. Je trouve qu'il y a un souffle et une maîtrise de l'écriture sans faille. De la littérature quoi...
mercredi 2 juillet 2008 à 22h38
JP, cela ne m'étonne absolument pas

Il faut plonger... au moins pour se faire ton propre avis.
Laurence, voilà. De la littérature. Et de la bonne qui plus est !
Pimpi : mais pourquoi vouloir résister ??
jeudi 3 juillet 2008 à 09h59
C'est vrai Pimpi, pourquoi résister ? Car si je n'ai pas été emballé du tout par ce roman, je pense qu'il est pour certains un très beau moment de lecture. Ce serait dommage d'éventuellement passer à côté !
mercredi 5 novembre 2008 à 09h16
Vu l'engouement de Catherine, et mon "échec" avec le roman ci-dessus, je m'étais promis d'essayer un nouveau roman de Trouillot. Voilà qui est fait, et c'est une jolie découverte que j'ai faite avec Bicentenaire. Il faut dire que le thème est un peu plus dans les cordes des sujets que j'affectionne !
Merci d'avoir insisté, Catherine !!!
dimanche 14 décembre 2008 à 17h57
salut je suis tres content de votre roman mais moi je vit rien que l´amour que ma copine me doit mias ça fait presque une annee nous sommes separer physiquement,elle vie dans mon pays moi je suis a l´etranger est ce que vous pouvez pas nous aider car nous somnmes de jeunes moi j´ai 21 ans et elle a 18 ans on peut esperer svp je suis a l´attente de votre message.
dimanche 14 décembre 2008 à 18h00
Bonsoir Chico, je ne pense pas que l'auteur passe ici et même si c'était le cas, je ne vois malheureusement pas comment il pourrait vous aider.