Assignée à résidence par le nouveau Maharana, meurtrier du
précédent, elle survit aux empoisonnements et parvient à quitter la
citadelle par la grande porte. En mendiant, elle va d'un lieu saint à un
autre pour chanter, danser et combler de joie ses spectateurs. Inquiet au
sujet de sa succession, l'empereur moghol Akbar aimerait rencontrer cette
Mirabaï et bénéficier de ses pouvoirs divins...
Le réel et la légende se côtoient dans ce roman historique. Si le
personnage de Mirabaï est bien réel (ses poèmes ont été publiés et traduits
dans plusieurs langues), l'auteur a dû utiliser non seulement des sources
diverses et incomplètes mais aussi son imagination pour reconstituer une
vision cohérente du personnage. Le récit commence par une description,
choquante pour le lecteur et pour la jeune Mirabaï, de funérailles où la
veuve accompagne son époux. C'est à partir de ce déclic que ses traits de
caractères et ses talents vont se développer, la rendant bien différente
des autres princesses rajpoutes: aimée de Krishna, elle n'aura pas à
accompagner un époux mortel sur son bûcher.
À l'intérieur du récit s'insèrent tout naturellement de courtes allusions
et explications utiles au sujet de traditions indiennes et du contexte
historique. Elles m'ont semblé très justes, exemptes de caricature et
constituent donc une bonne initiation à cette culture. Néanmoins, je
retiens surtout cette narration plaisante de l'histoire singulière de
Mirabaï, l'évocation de la citadelle de Chittor, du Fort d'Agra, etc, qui
font rêver et invitent au voyage...
Par Joël
Les critiques qui suivent ont été mises en ligne le 30 juin à la suite du "Prix Biblioblog 2008"
Ce roman m'a émue plus que je ne le pensais. Je partais avec un a priori négatif car je ne suis pas plus que ça attirée par la culture Hindoue mais l'histoire de cette petite fille/femme/déesse m'a vraiment troublée au plus profond. Je me suis laissée charmer par cette histoire où le peu de réalité connue se mélange avec un brio incontestable au romanesque que lui donne Catherine Clément. Autre point non négligeable : les incursions de la culture Indienne, de l’histoire etc. deviennent un véritable outil de compréhension de ce peuple si peu connu des occidentaux.
Mon rapport à ce livre est bien étrange. J’ai aimé le sujet puisque j’y ai beaucoup repensé depuis et j’en ai reparlé. Paradoxalement, je n’ai pas vraiment aimé le livre. Il faut dire que les contes et moi ne sommes pas toujours grands amis, et ce roman est bien un conte. J’ai trouvé le style et la narration assez convenus, bien que ce ne soit pas nécessairement un mal. Rien ne m’a spécialement accroché. J’aurais aimé que le livre soit un peu plus explicatif historiquement, j’aurais souhaité comprendre davantage le déchirement religieux, spirituel et politique de l’Inde de cette époque. C’est probablement pour cela que l’épilogue m’a particulièrement plu !
Étonné. Voire, agréablement surpris.
C'est ce qui ressort de ma lecture de ce roman dont la couverture ne m'a rebuté.
On se retrouve plongé dans l'Inde du XVIème siècle sur les traces d'une jeune princesse prête à tout pour fuir les contraintes liées à sa condition. Contraintes impliquant le sacrifice par le feu lors de la mort de l'époux...
Le roman commence d'ailleurs par la mort de la grand mère de l'enfant (et j'ai eu beaucoup de mal pour m'y retrouver dans les noms...) et la description du supplice. Durant les trente premières pages, j'ai cru relire le début de Gilgamesh de Silverberg car les deux commencent exactement de la même manière. Et on y trouve aussi le même rapport à la mort et au divin.
Ceci dit, un roman intéressant mais qui perd facilement le lecteur malhabile avec l'utilisation des termes consacrés et les coutumes de l'époque.
Que peut-on faire contre les a priori conscients ou inconscients ? Je ne sais pas. J'avoue humblement que dès le départ, je ne "sentais" pas cette lecture. J'ai finalement mis la main sur l'ouvrage et je m'y suis plongée. Voilà, je l'ai lu d'une traite. J'ai aimé la personnalité de Mira, celle d'Akbar. Cette lecture confirme mon mal aise avec la littérature indienne ou tout autre ouvrage ayant trait à l'Inde et ses complexités religieuses, ses traditions, ses interdits multiples. C'est beaucoup trop complexe pour moi. Mais j'y suis pourtant hermétique. Je reste encore étrangère à cette Inde multiple. Un jour peut être, le déclic se fera-t-il. L'histoire présentée par Catherine Clément est simple, bien présentée, bien écrite, sans pour autant être une lecture qui me laissera un souvenir impérrissable.
Dédale
C’est l’histoire de Mirabaï, fillette mariée à neuf ans à un roi mais qui ne danse que pour son dieu : Krishna.
L’histoire de cette fillette, devient légende lorsque femme elle refuse le bûcher et de devenir sati.
Elle devient alors mendiante, chante et danse sur les routes.
Difficile de poser un regard « d’occidentale » objectif sur cette histoire, ignorante que je suis (j’étais) des traditions et de l’histoire indienne.
Mais j’ai été tour à tour, révoltée par la dureté et le poids des traditions, emportée par la passion de Mira, étourdie par le côté mystique et illuminé de Mirabaï.
Mira, un jour, tu diras oui. Un jour, tu voudras. Tu seras une sati à ton tour.
Ce texte, écrit sous la forme d'un conte, ne s'est pas révélé pour moi une invitation au voyage, comme le laissaient deviner les impressions de Joël. Non, ce qui m'a finalement le plus interpelée dans cette histoire, et sûrement parce que je suis une occidentale du 21°, c'est le sort qui était réservé aux femmes. Que dis-je aux femmes... aux enfants pré-pubère. Mira n'avait que 9 ans quand elle épousa le Prince de Mewar. Neuf ans quand elle perdit sa virginité. Neuf ans... l'âge de mon fils...
Catherine Clément a réussi, tout en n'omettant pas la triste réalité, à rendre hommage aux femmes. Elles sont belles, insoumises, généreuses. Mais quelle frustration fut la mienne quand je me rendis compte que l'on ne verrait rien du parcours de mendiante de la dite princesse; quand je réalisai que Catherine Clément a préféré le changement de focalisation pour faire le lien avec l'empereur moghol Akbar. J'aurais aimé prendre avec Mira les chemins détournés des montagne du Rajasthan.
Voilà exactement le type de livre que je n’aurai pas lu s’il n’avait pas été sélectionné pour le prix.
L’Inde ! Je n’y connais rien, sauf les aventures d’Astérix et d’Indiana Jones qui s’y déroulent. C’est donc avec une grande curiosité que j’ai abordé ce roman. Et je suis plutôt heureux d’avoir y plongé. A la fois pour l’aspect documentaire, puisque l’auteur nous y présente certaines traditions indiennes et les difficultés des relations entre hindous et musulmans (qui existent toujours). Même si toutes les références ne m’étaient pas connues, j’ai lu les deux premiers tiers du livre avec plaisir.
Et on quitte malheureusement la princesse pour le dernier tiers. J’ai été moins accroché par cette dernière partie, qui quitte Mirabai pour s’intéresser à l’Empereur et à sa quête de la danseuse.
Mais un roman très agréable, parfois un peu cruel (même si j’avais entendu parler de certaines des traditions inhumaines présentées dans le livre.), mais qui m’a emmené dans des paysages totalement nouveaux pour moi.
Extrait :
Au loin, dans la poussière que soulevaient leurs pas, apparurent en deux files des femmes qui chantaient. Corsetées de coton brodé rouge et vert, voilées d'orange, leurs lourds jupons plissés dansant dans le soleil, elles avançaient lentement au son des tambourins, faisant tinter leurs grelots de chevilles. Leurs voix aigres et puissantes envahirent la place comme d'invisibles dieux venus de nulle part. Lorsqu'elles virent le banyan, les femmes s'écartèrent.
Elle fut là. Longue et mince, pieds nus, voilée de blanc, une mèche frisée tombant sur le côté, son ektara serré contre son cœur, tenant à la main ses crotales. Un long murmure salua son arrivée. Elle resta immobile, écoutant la rumeur, rejetant sa tête en arrière comme s'il allait pleuvoir. Elle fit un pas et des cris éclatèrent. «Mirabaï ki jaï!» On ne voyait pas ses traits, mais tout le monde sut qu'elle souriait d'un sourire invisible. L'univers tout entier souriait. Alors elle fit tomber son voile. La jeune fille éternelle.
Éditions Panama - 309 pages
Commentaires
lundi 30 juin 2008 à 07h56
Je profite de vos relectures pour remercier une fois encore Joël sans qui je n'aurais probablement jamais lu ce roman qui a été une vraie révélation pour moi qui ne suis guère attirée par la culture hindoue. La plume de Catherine Clément est pure merveille.
lundi 30 juin 2008 à 08h02
C'est fait pour ça Bladelor : découvrir des romans vers lesquels on ne serait peut-être pas allés d'instinct et profiter des relectures pour ouvrir le débat. Merci donc à toi.
lundi 30 juin 2008 à 10h20
Je suis content de lire que dans l'ensemble, ce roman vous a plutôt plu.
Je suis aussi sensible aux remarques de Laurence et Google sur la dureté du sort réservé aux princesses rajpoutes à l'époque, qui choque en premier lieu. Le roman nous présente un personnage qui parvient à se dresser contre ces traditions ; comme je connaissais déjà cette « tradition » de la sati (qui malheureusement continue encore, très exceptionnellement, à produire des faits-divers sordides), c'est surtout le parcours de Mirabaï qui m'a frappé.
Nous avons eu des sentiments différents sur l'évocation de traditions qui ne sont pas familières en Occident. Je comprends que l'on puisse y rester « hermétique ». En dire trop, n'en pas dire assez, choisir entre l'allusion et la description : l'art n'est pas facile !
Je m'interroge sur la difficulté de ne pas s'embrouiller sur les noms des personnages. Au cours de cette lecture, je n'avais pas eu le sentiment d'une multitude de noms. Peut-être que l'on retient plus facilement des noms ayant des sonorités qui nous sont familières. Cela dit, j'avais aussi eu ce sentiment lors de mes premières incursions dans la littérature (ancienne) de l'Inde (cf. Mahābhārata, volume 1).
mardi 1 juillet 2008 à 12h39
à peu près la même réaction que Dédale ( ce qui ne m'étonne guère) - disons que, parfois, les a priori sont tels qu'on n'arrive pas à lutter, quelle que soit la qualité du roman - simplement parce qu'on est humains, trop humains, comme dirait l'autre. Je passe mon tour comme mes yeux sont passés sur les pages de ce livre sans pratiquement rien imprimer. Honte à moi
mercredi 2 juillet 2008 à 12h36
JP :
mercredi 2 juillet 2008 à 13h53
Sur les prénoms, la difficulté pour moi n'a pas tant tenue aux prénoms en eux-mêmes, mais à cette alternance entre le prénom des filles et l'appelation de sati, qui concerne plusieurs personnages du roman. Il a fallu plusieurs pages avant de vraiment saisir de qui il était question.
Merci à Joël de m'avoir permis de découvrir ce joli conte indien.