Très vite, Don Miguel est hanté par ses démons. Ses rêves nocturnes sont à ce titre très révélateurs. Mais cet amour incestueux qu'il porte à sa soeur, il ne peut ni le reconnaître ni l'assumer... Et pourtant, leur mère, avant de mourir, leur a bien fait promettre de ne jamais à [se] haïr.

Sans contestation possible, Marguerite Yourcenar écrit divinement bien. Les phrases sont ciselées, travaillées, épurées... Mais tout cela m'a laissé l'impression d'un joli flacon vide. Malgré toute ma bonne volonté, je ne suis pas parvenue à entrer dans cette histoire. Je me suis ennuyée aux côtés de ces deux jeunes gens. Je sais que je vais faire hurler les puristes, que c'est peut-être faire preuve d'un manque de culture, mais rien à faire, ce récit m'est passé totalement à côté.
Dans la version poche, il y a à la fin du récit, un post-face de la main de Marguerite Yourcenar dans laquelle elle raconte la génèse de ce roman. Au départ, simple nouvelle de jeunesse, ce récit à fait l'objet de deux réécritures (l'une en 1935, l'autre en 1981). Ses explications sont intéressantes car elles permettent de mieux comprendre le travail d'écriture de l'écrivain.
Peut-être est-ce simplement l'histoire qui m'a laissée froide. Je compte donc retenter "l'expérience Yourcenar" avec un autre de ses titres, même si pour le moment, je ne sais pas bien lequel. Mais peut-être avez-vous des idées?

Du même auteur : Mémoires d'Hadrien

Extrait :

- Vous nous quittez, Madame ma mère.
- J'ai trente-neuf fois l'hiver, murmurra imperceptiblement Valentine, tenre-neuf fois l'été. Cela suffit.
- Mais nous sommes si jeunes, dit Anna. Vous ne verrez pas s'illustrer Miguel, et moi, nous ne me verrez pas...
Elle allait dire que sa mère ne la verrait pas mariée, mais l'idée lui fit soudain horreur. Elle s'interrompit.
- Vous êtes déjà tous deux si loin de moi, dit à voix basse Valentine.
On crut qu'elle délirait. Pourtant, elle les reconnaissait encore, car elle donna à Don Miguel, agenouillé lui aussi, sa main à baiser. Elle dit :
- Quoiqu'il advienne, n'en arrivez jamais à vous haïr.
- Nous nous aimons, dit Anna.
Donna Valentine ferma les yeux.
Puis très doucement :
- Je sais cela.
Elle semblait avoir dépassé la peine, la crainte ou l'incertitude. Elle dit encore, sans qu'on sût s'il s'agissait de l'avenir de ses enfants ou si elle parlait d'elle-même :
- Ne vous inquiétez pas. Tout est bien.
Puis elle se tut. Sa mort sans agonie faut aussi presque sans paroles; la vie de Valentine n'avait été qu'un long glissement vers le silence; elle s'abandonnait sans lutter. Quand ses enfants comprirent qu'elle était morte, aucun étonnement ne vint se mêler à leur tristesse. Donna Valentine était de celle qu'on s'étonne de voir exister.

couverture
Éditions Folio - 115 pages