Ce roman porte sur la violence. Celle de nos sociétés, celle des familles, mais aussi sur la violence intime, celle qui rampe au fond de nous. Ce roman porte sur une rencontre déterminante, celle entre Rose et Coach, Coach qu’elle rencontre dans un gymnase de boxe et qui lui met ses gants de boxe en la brassant de tendresse, comme une mère lorsqu’elle enfonce un bonnet sur la tête de ses enfants.

Un Xième roman sur la violence et sur la résilience ? Comme on en sort bouleversés, il faut croire que le sujet n’est pas encore épuisé. Le coup de force de Simon Girard c’est d’arriver à évoquer les zones floues de la violence entre les rôles de bourreau et de victime. Nous rappelant que le bourreau d’aujourd’hui est souvent la victime d’hier, quand il n’est pas le héros de demain. Le titre même du livre évoque cette ambivalence : «Dawson kid» est-ce le jeune homme meurtrier ou la jeune fille morte de sa folie ? À qui Rose ressemble-t-elle le plus ? Justification de la violence ? Ce n’est pas ce que j’en ai retenu, mais une danse très habile sur un fil très mince avec un personnage principal souvent détestable auquel j’ai pourtant complètement adhéré.

La grande force de l’ouvrage : une narration soutenue, étourdissante, comme sur un ring de boxe. Avec des uppercuts littéraires et des mises au tapis. Par moment, il m’a semblé que c’était un peu trop. J’en arrêtais de lire attentivement à force d’être portée par des réflexions circulaires et décousues. Mais c’est mineur en comparaison au plaisir (est-ce du plaisir vraiment ?), disons plutôt à l’engagement que ce roman a fait naître en moi.

Maintenant j’ai envie de faire de la boxe.

Par Catherine

Extrait :

Réveillée dans mon corps, et dans un corps tout court, écoeurée par ça, comme si je m’attendais à rouvrir les yeux entre deux pensées, deux coups, pure. Écoeurée et me demandant si ça ressemble à la mauvaise humeur des autres matins. Couchée à peine après minuit, sûrement, je n’ai pas mis le cadran, sachant que j’allais me réveiller en pleine forme bien avant midi. Le matin est cru dans l’appartement ; le son de mes pas sur le plancher, de trop. Je m’installe au-dessus de La Presse, à la table de cuisine. L’article sur les gangs de rue ; je lis quelques commentaires placés entre guillemets, qui ne sont plus ceux de victimes. Ils m’envoient en voyage, dans la pensée des autres, ces «heureux» que je comprends peut-être de voir ça comme un spectacle terrible, lointain et invraisemblable, un gros film d’action. «Monstres», «horreur», une histoire à faire peur, ce serait mieux que la vérité toute crue de l’autre côté de la rue ? Un autre cahier du journal, un reportage sur les enfants esclaves. Bon matin ! Tout ce que je trouve à penser est que ces enfants vont mourir, comme tout le monde. Fantastique ! Leurs maîtres vont crever avant, sûrement, puis les petits, devenus vieux et séniles, ou morts à force d’esclavage ; pourquoi pas donnés en pâture aux alligators, un de ces jours où ils auront désobéi ? Les deux petits qui me regardent, de leur page de journal, de leur chaloupe en bois qui prend l’eau à tel point qu’un des deux petits a pour tâche d’écoper pour qu’ils ne coulent pas. À lui voir la mine basse, je gagerais vingt ans qu’il ne pense qu’à une chose : arrêter d’écoper et se laisser couler.

couverture
Éditions Boréal - 192 pages