Le narrateur, jeune juif hongrois, vit à Paris en 1942. Sa mère décide, pour le protéger, de l'envoyer dans un collège loin de leur lieu d'habitation. Là bas, il y a Sigrand, la terreur de la cours de récréation. Par un cynique hasard du sort, ils deviennent tous deux "Sigrand et Sip'tit", une sorte de couple malsain, liés par la douleur et la brutalité.
Mais la guerre les rattrape très vite et chacun part de son côté.
A la fin de la guerre, Sip'tit séjourne dans un sanatorium. Les mauvais souvenirs sont loin derrière lui, il se reconstruit. Mais bientôt, un nouvel arrivant va réveiller tous les cauchemars.
Il est difficile d'en dire plus sans déflorer l'intrigue de ce court récit. Tout repose sur les liens qui se tissent entre ses deux jeunes garçon : l'esclave et son bourreau. Le texte est très violent, Sigrand est une brute immonde et sadique. En avançant dans l'histoire, j'ai souvent été écoeurée et dérangée par ce couple où se mêle mépris et admiration. Et puis, tout à coup, avec une simple phrase, Jacques Lederer nous oblige a reconsidérer toute notre lecture. Le passage à la gare d'Austerlitz est extrêmement fort.
C'est donc avec un autre oeil que l'on attaque la seconde partie, dont je ne dirai pas un mot.
J'ai toujours été admirative des auteurs qui parviennent à nous faire aimer ceux que l'on détestait au départ. Je trouve qu'il faut un grand talent pour réussir cela : il ne faut surtout pas sombrer dans le misérabilisme ou la mièvrerie, mais poser quelques touches, de-ci de-là, pour que le tableau final soit l'inverse de celui que l'on attendait.
Sans être un coup de coeur, ce roman a su m'emporter dans son univers, et je trouve cela déjà assez remarquable.
Extrait :
- Hé... Sip'tit...
J'inclinais le torse vers lui et répondis à voix basse :
- Ouais?
Passe ta main...
- Pourquoi.
- Passe je te dis.
- Mais pour quoi faire?
- Tu vas voir...
Je n'aurais pas dû... dépliai quand même mon bras droit, le posai bien à plat devant Sigrand, non sans guetter M. Drouet du coin de l'oeil.
Jaillie d'on ne sait où, la lame d'un canif lança alors un éclair, et han! d'un seul coup, Sigrand me le planta dans le dos de la main. Elle resta clouée sur la table, au milieu d'une mare de sang.
Éditions Joëlle Losfeld - 90 pages
Commentaires
vendredi 12 mars 2010 à 12h14
magnifique ce livre
beaucoup mieux que ce que vous en dites
miraculeux
cette écriture qui ose écrire l'indicible jusqu'au bout et très simplement
silences compris
samedi 13 mars 2010 à 09h22
ines : mais je n'en dis pas de mal me semble-t-il...
Après, tout est question de sensibilité personnelle.