Comme tout le monde, Ray se demande qui a commis ce crime. Mais ses soupçons se portent très vite sur les membres de sa propre famille...
Il faut dire que beaucoup de monde avait des raisons de voir Bill disparaître de la surface de la terre. Alcoolique notoire, il était connu pour sa violence et sa brutalité. Mais qui a eu le courage de passer à l'acte?

Pendant les 48 heures que dure ce récit, Ray rouvre la boîte de Pandore qu'il avait sagement refermé quelques années auparavant lors de sa rencontre avec Sally. Mais il est des traumatismes de l'enfance qui ne peuvent rester silencieux indéfiniment. Et plus les souvenirs refont surface, plus le présent de Ray s'effondre sous ses pieds...

Dès les premières pages, Lisa Reardon annonce clairement la tonalité de son récit : il s'agit ici d'un roman noir, très noir, à la limite du soutenable. L'auteure ne nous épargne rien des brutalités paternelles, et il faut parfois avoir le coeur bien accroché pour pouvoir continuer sa lecture. Indéniablement, ce récit fait partie des histoires les plus glauques que j'ai lues cette année. Et pourtant, impossible de délaisser Ray dans sa quête de la vérité. Je me sentais liée à lui dans cette tentative de résilience, et l'abandonner en cours de route m'aurait paru la pire des lâchetés.
C'est donc avec les boyaux serrés que je l'ai accompagné dans son parcours, dans ses doutes, dans ses dérives.

Au milieu de cette violence, les enfants Johnson avaient pourtant su se préserver un oasis, un éden d'amour et de douceur; et qu'importe qu'il faille pour cela braver les interdits. L'amour reste de l'amour.

Ce roman est vraiment perturbant. Naviguant sans cesse entre la violence la plus insoutenable et une douceur qui pourrait sembler a priori malsaine, il oblige le lecteur à ouvrir ses horizons, à reconsidérer ses tabous, à accepter l'amour quelque soit son visage. Cela tient peut-être au fait que Lisa Reardon a su créer un narrateur très crédible : pas vraiment adulte, ni plus jamais enfant, il s'est créé un univers propre où les animaux dialoguent avec lui. Un être perdu qui tente coûte que coûte de vivre normalement. Mais est-ce possible quand tout ce qui vous a construit aurait dû vous déconstruire?
Si vous n'êtes pas un lecteur trop sensible, je vous conseille vraiment ce roman. Bien plus qu'un polar, il s'agit d'une histoire bouleversante sur les drames familiaux et la misère affective.
C'est le premier roman de Lisa Reardon, et c'est un coup de maître. Depuis elle a publié trois autres titres, et je suis curieuse de savoir s'ils ont la même force que ce premier roman.

Extrait :

Billy était un salaud de la pire espèce. Je l'imaginais dans une foule de situations, mais pas en victime d'un meurtre. J'aurais pratiquement tout imaginé sauf cela. Son assassin devait être encore plus cruel que lui. Or je ne connais qu'une personne qui le soit. Cette idée m'épouvante à tel point que j'allume une clope. Je jette l'allumette dans l'évier et je m'accroupis, le dos plaqué contre la porte du placard. Je fais ça depuis tout petit. Sally et Ginny Honey ne s'occupe plus de moi. Je respire enfin, presque normalement. Je perçois des sons, des conversations, mais j'ai l'impression qu'ils proviennent de la cour, de derrière le lilas.
- ... retrouvé tôt ce matin. Le crâne enfoncé. Heureusement, il avait son portefeuille sur lui. Sinon on n'aurait pas su qui c'était. Comment identifier cette bouillie? Ta mère était là-bas, elle me regardait comme si j'étais coupable, cette vieille conne. Excuse-moi, Ray. Elle a perdu la tête et m'a regardée comme si c'était moi qui lui avais mis le crâne en compote. Jamais je n'oublierai ce spectacle. Pourquoi on m'a obligée à voir ça? Pourquoi je suis allée voir?
Elle sanglote, incapable de prononcer un mot de plus. Sally hoquette en tapotant l'épaule de Ginny Honney comme je le faisait autrefois pour maman. C'est tout aussi inutile. La chaleur de ma cigarette se diffuse entre mes doigts, mais je ne la jette pas. Une sensation de brûlure m'envahit la main, remontant jusqu'à mon coude en un éclair. Quand elle atteint mon épaule, je me sens presque mieux, de retour sur terre, dans ma cuisine. La peau de mes doigts me brûle et je regarde discrètement vers Sally. Elle connaît cette odeur. Ce n'est pas le moment de l'énerver, alors j'éteins ma cigarette. Plus tard, en voyant mes cloques, elle va me prendre la tête. Elle en supporte déjà beaucoup de ma part.

couverture
Éditions Murder Inc - 347 pages