Dans le premier récit, éponyme du recueil, un homme fait halte dans un hôtel. Il a choisi précisément celui-là car idéalement placé près d'une falaise vertigineuse propice à un suicide réussi. Sugi a en effet décidé de mettre fin à ses jours en même temps qu'au déshonneur qui le guette. Il se donne deux jours de délais, le temps de finir la lecture de Voyage en Orient de Guillaume Rubroek.
Mais la présence d'une jeune femme ayant les mêmes projets que lui va bouleverser son programme.

Pour leur lune de miel, Uomi Jiro emmène sa jeune épouse au Jardin de pierre du Ryôanji. C'est un lieu étrange et Uomi Jiro ne s'attendait pas à ce qu'il éveille en lui de tels souvenirs.

Enfin, dans Anniversaire de mariage, Yasushi Inoue nous dépeint le portrait d'un couple qui ne s'est réellement aimé que le temps d'un voyage surréaliste.

A priori, il ne s'agit donc pas d'un recueil sur l'amour mais plutôt sur son revers : les mensonges, l'hypocrisie, la comédie. Et pourtant il ressort de ses histoires une certaine douceur, une tendresse un peu amère. Les situations cocasses font place à l'émotion et aux questionnements.
Ce recueil me confirme ce dont je me doutais depuis quelques mois : si je reste décidément insensible à l'écriture chinoise, il y a un parfum d'étrangeté qui me séduit dans la littérature japonaise. Dans la préface, la traductrice, Aude Fieschi, vante les mérites de Fusil de Chasse, le roman le plus connu de Yasushi Inoue. Je ne sais pas si j'aurai l'occasion de le lire cette année, mais c'est un titre que je note sur ma LAL.
C'était le dernier titre de mon Challenge ABC. :)

Extrait :

La mort, l'amour et les vagues

Après s'être fait conduite dans une chambre du premier étage donnant sur le large, Sugi Sennosuke posa son sac et son chapeau sur la table et sortit aussitôt dans le versitibule qui surplombait la mer. Puis il jeta un coup d'oeil à la falaise abrupte qui se dressait comme un paravent à trois ou quatre cents mètres de l'hôtel. Du côté du large, le versant de la colline avait été comme tranché et le rocher, nu et lisse, usé par les tempêtes penant des centaines ou des milliers d'années, tombait à pic dans la mer.
Ce matin-là, au large de Kumano, l'eau était lisse, d'un bleu uniforme, à l'exception des cercles blancs d'écume qui se formaient lorsque les vagues venaient frapper le pied de la falaise. De l'endroit où il se trouvait, Sugi pouvait entendre le bruit des vagues qui s'y écrasaient.
"Ah, ce coin a l'air parfait !" pensa Sugi en arrêtant son regard sur un endroit, tout à fait à gauche de la grande falaise. [...] "Vraiment idéal!" pensa Sugi. C'était la première fois qu'il se réjouissait d'avoir trouvé un endroit convenable pour se donner la mort; soulagé, il se mit à fumer

couverture
Éditions Philippe Picquier - 89 pages