Dans la première moitié du roman, Amin Maalouf nous emmène en voyage au siècle d'Omar Khayyam, au milieu des intrigues de cour, à amarcande ou à Ispahan, et des tensions religieuses au sein de l'islam provoquées par la secte ismaélienne des Assassins. Dans l'autre moitié, on suit Benjamin O. Lesage en France, en Turquie ou en Perse alors qu'il cherche à mettre le main sur les célèbres robaïyat d'Omar Khayyam. Il se trouve mêlé au combat pour l'instauration d'une Constitution en Perse et à la sortie du joug anglo-russe.

J'ai aimé ce merveilleux roman autant que Les Mille et Une Nuits d'Antoine Galland. L'histoire est extrêmement bien ficelée, sans temps mort. Peu importe que la confusion entre Histoire et fiction y soit totale, le style rythmé de l'écrivain rend cette belle histoire délicieuse.

Par Joël

Extrait :

- J'ai conçu un projet pour toi, un projet de livre. Oublions un moment tes robaïyat. Pour moi, ce ne sont là qu'inévitables caprices du génie. Les vrais domaines où tu excelles sont la médecine, l'astrologie, les mathématiques, la physique, la métaphysique. Suis-je dans l'erreur si je dis que depuis la mort d'Ibn-Sina nul ne les connaît mieux que toi ?
Khayyam ne dit mot. Abou-Taher poursuit :
- C'est dans ces domaines de la connaissance que j'attends de toi le livre ultime, et ce livre, je veux que tu me le dédies.
- Je ne pense pas qu'il y ait de livre ultime dans ces domaines, et c'est bien pour cela que jusqu'à présent je me suis contenté de lire, d'apprendre, sans rien écrire moi-même.
- Explique-toi !
- Considérons les Anciens, les Grecs, les Indiens, les musulmans qui m'ont précédé, ils ont écrit abondamment dans toutes ces disciplines. Si je répète ce qu'ils ont dit, mon travail est superflu ; si je les contredis, comme je suis constamment tenté de le faire, d'autres viendront après moi pour me contredire. Que restera-t-il demain des écrits des savants ? Seulement le mal qu'ils ont dit de ceux qui les ont précédés. On se souvient de ce qu'ils ont détruit dans la théorie des autres, mais ce qu'ils échafaudent eux-mêmes sera immanquablement détruit, ridiculisé même par ceux qui viendront après. Telle est la loi de la science ; la poésie ne connaît pas pareille loi, elle ne nie jamais ce qui l'a précédée et n'est jamais niée par ce qui la suit, elle traverse les siècles en toute quiétude. C'est pour cela que j'écris mes robaïyat. Sais-tu ce qui me fascine dans les sciences ? C'est que j'y trouve la poésie suprême : dans les mathématiques, le grisant vertige des nombres ; avec l'astronomie, l'énigmatique murmure de l'univers. Mais de grâce, qu'on ne me parle pas de vérité !

couverture
Éditions Le Livre de Poche - 312 pages