De New York à l'Australie, de l'Allemagne de l'Est en passant par le canada, d'une chaleur caniculaire à une pluie battante ou une forêt sous la neige - des ambiances qui étouffent aussi les mots, les envies de s'épancher, de se libérer -, l'auteur nous présente en douze nouvelles des personnages attachants, fragiles, angoissés, qui cherchent à en finir avec une relation amoureuse, amicale ou familiale... ils fuient tous quelque chose ou quelqu'un. Cela donne une étrange atmosphère, une sensation omniprésente de mal aise que l'on a tous connu un jour ou l'autre avec le voeu rivé au coeur que cela cesse au plus vite.
Tout cela est extrèmement bien rendu par le langage de l'auteur, son style particulier fait de phrases simples, entêtantes parfois, une répétition de mots qui peut déranger au début mais qui s'insinue dans notre tête. Voilà le lecteur hypnotisé par la "petite musique" de l'auteur. Et même si les personnages de Zsuzsa Bank parlent peu, les silences sont éloquents, prégnants, révélateurs. Je suis tombée très vite sous le charme.
Il devient évident que je vais me procurer au plus vite le premier roman de cette auteure allemande, Le nageur, roman qui l'a révélée en France en 2004. Suite au prochain épisode, donc.
Du même auteur : Le nageur
Dédale
Extrait :
Ere glacière.
Ils ont annoncé de la neige. Elle doit tomber ce midi, par une température avoisinant les zéro degré. Trop chaud pour la saison, a dit Becky au téléphone. Carola a loué une voiture pour que Becky n'ait pas à passer la prendre. Elle se rappelle encore à quoi ressemblait la journée de Becky, voici des années, lorsque Carola l'avait vue pour la première fois avec son mari, sa maison et les trois enfants, quand le temps lui était compté au point de ne pouvoir aller décrocher quand le téléphone sonnait. Becky a insisté pour se rendre à l'aéroport, craignant que Carola ne reste bloquée dans sa voiture de location, par la neige annoncée, sur la route, dans un fossé. Carola lui a donné une fausse heure d'arrivée, et p lus tard, lorsqu'elle a appelé Becky depuis l'agence de location pour lui dire qu'elle était déjà là et qu'elle partait tout de suite en voiture, Becky a ri, de ce rire à la Becky qui dure longtemps et se prolonge quand les autres ont cessé depuis belle lurette.
Le loueur de voitures a écrit à Carola les numéros des routes et les noms des vilages pour qu'elle ne manque pas les bifurcations et les sorties, puis deux numéros de téléphone, elle les a posés sur le comptoire, entourés d'un coup de feutre jaune et dit à voix basse, in case you get lost. Les voitures glissent lentement, sans bruit, sur de larges routes, sous de grands panneaux verts aux lettres blanches. Carola actionne les clignotants plus souvent qu'elle ne le devrait, juste pour entendre ce bruit, ce clic-clac lent et assourdi, uniquement pour voir la petite flèche bleue apparaître et disparaître en mesure sur le tableau de bord. Ici, le pays est plat. Une journée d'hiver brun sale colle aux champs. Le ciel se montre gris mat. Pas la moindre trace de neige.
Éditions Christian Bourgeois – 187 pages.
Traduction de Olivier Mannoni.
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