Le premier récit, intitulé La fenêtre correspond exactement au type de huis clos que j'adore... 4 malades alités dans une chambre d'hôpital, une fenêtre près d'un lit, et tout un monde à décrire pour celui qui a la chance d'être sur le bon lit. Alors que le premier s'enferrait dans un silence désespérant pour ses voisins, le second, Franz, leur raconte avec minutie cet extérieur inaccessible. La chambre devient alors moins oppressante, l'attente plus tolérable. Mais qu'adviendra-t-il si Franz devait quitter son poste?
Dès ce premier récit, Maurice Pons arrive à nous faire oublier notre environnement et nous prend par la main pour une parenthèse plus que séduisante. L'écriture, très évocatrice et poétique, fonctionne à merveille, et même si je me doutais de la chute, je n'ai pas moins pris de plaisir à accompagner les protagonistes de cette histoire.

La suite du recueil est à l'avenant. Même si je n'ai pas compris À l'ombre du bouleau (peut-être étais-je trop fatiguée ce soir-là), j'ai vraiment apprécié les autres récits. Lentement, incidieusement, Maurice Pons quitte peu à peu la dure réalité pour un univers de plus en plus fantastique. Certaines des nouvelles, comme Le Violon ou Voyage de noces, ont pu me faire penser à Edgar Allan Poe. Là encore, Maurice Pons suggère plus qu'il ne décrit.
L'oeil du chat est pour moi un peu particulier. C'est la première fois que j'avais l'impression de lire un rêve, d'être entrée par effraction dans la tête d'une personne endormie. Vous savez, cette sensation que l'histoire saute du coq à l'âne, que les événements s'enchaînent sans cohérence? Je ne sais pas si c'était la volonté de l'auteur, mais c'est en tout cas ainsi que j'ai vécu cette histoire, et c'est assez étrange, je dois l'avouer.
Quant au dernier récit, éponyme du recueil, il porte bien son titre. Comme dans les nouvelles de Matheson, on pense savoir jusqu'à la fin, et puis on comprend que l'on n'a rien compris. Et ça... j'adore. :)

C'est donc une très jolie découverte. En troisième de couverture, l'éditeur indique un autre recueil de nouvelles de cet auteur : Douce-amère. Le résumé donné par François Angelier me donne plus qu'envie de poursuivre ce chemin auprès de Maurice Pons. Rendez-vous est donc pris à ma bibliothèque. :)

Du même auteur : Douce-amère

Extrait :

La fenêtre

[...]Après que les infirmières eurent installé Franz dans le lit de la fenêtre, il se fit dans la chambre un grand silence. Quand une fois la vie vous a fait mal, on apprend à se méfier d'elle. Les allongés ne croient pas aux miracles. Ils ne pouvaient pas vraiment penser que leur détresse allait peu à peu prendre fin. Ils se recueillaient comme s'ils avaient peur de faire fuir, au moindre mot, leur espérance.
- Et bien, Franz, dirent-ils enfin, vois-tu quelque-chose de cette ville?
Mais Franz d'abord ne répondit pas : il pleurait. Il pleura doucement la journée entière et les paroles, ce jour-là, dans la chambre, marchèrent comme sur la pointe des pieds. C'est seulement à l'heure la plus paisible du jour qui tombe, quand le soir embaume toutes les peines du coeur, qu'il commença à parler d'une voix douce :
- Je vois une ville profonde à travers les vitres. Elle a un petit air triste. Elle penche ses toits comme on penche la tête. Seul un grand clocher fait le fier, et ses cloches se baladent dans les ruelles. L'heure est grave : c'est l'heure où la ville hésite entre le jour et la nuit. On voit déjà des lumières dans les maisons du centre, plus impatientes du soir, mais la colline s'attarde aux douceurs du jour. Le brouillard se déshabille lentement pour dormir. Il fera beau demain... [...]

couverture
Éditions Le Dilettante - 128 pages